Accueil. Zangsa : le cultivateur chamane
L’enquête, sur les lieux de la tragédie, dura peu : Aroulyoun et ses hommes examinèrent la grande cour où le gouverneur et soi-disant le prince avaient été attaqués, puis le chef de police laissa une convocation à Son Altesse entre les mains d’un valet, et souhaita un bon rétablissement au prince en apprenant qu’il avait été profondément blessé au bras et qu’il ne pouvait pas le recevoir tout de suite. Il ne fut pas aussi compréhensif avec moi et, malgré mes protestations, voulut m’embarquer sur-le-champ pour m’interroger.
— « Pourquoi, d’entre tous les invités, la panthère aurait-elle attaqué le gouverneur ? », lâcha-t-il sur un ton tranchant. « Quelqu’un lui aurait-il jeté quelque mauvais sort pour lui porter cette malchance ? Un chamane, par exemple ? Silence. Qui dit que tu n’as pas sauvé la vie de Dame Swa pour te créer un alibi ? »
Sa répartie me laissa sans voix.
— « Hum, messire, enfin », intervint Riva, « il est peu probable que ce soit le cas. Ce garçon a lui-même failli mourir. » Je hochai la tête énergiquement. Être défendu par cette fripouille d’oncle me fit une sensation bizarre… Riva renchérit avec éloquence : « Cette panthère était très possiblement possédée par le Dément. Ce ne serait pas le premier cas. Vous êtes sûrement au courant de ce qui s’est passé au village de Pic-d’Ambre, il y a moins de quatre mois. Alors, nul besoin d’importuner ce jeune homme, qui s’est conduit comme un héros. Si cette bête a attaqué le gouverneur, c’est probablement dû au hasard. Un triste hasard, je vous l’accorde. »
Aroulyoun l’avait écouté sans broncher. Il répliqua :
— « Étiez-vous sur les lieux lors de l’attaque ? »
— « Non, j’étais à l’intérieur du palais… »
— « Alors, je vous prierai de ne pas faire de conjectures hâtives », le coupa le chef de police. « C’est à la police démocratique impériale qu’il revient d’enquêter et de juger cette affaire. Rassurez-vous : je n’importune à priori jamais sans raison. Avec tout mon respect, je vous prends cet homme. »
Il m’attrapa par le poignet et me mit les menottes. Sérieusement… ?
— « Aroulyoun… Mon cher ami… »
Je ne pouvais pas lui dire que j’étais en pleine mission d’infiltration et qu’il était juste en train de ruiner tous mes efforts…
— « Ami ? », répéta sèchement Aroulyoun. « Je hais les gens qui invoquent l’amitié dans de telles circonstances. »
Aïe… Ses paroles me blessèrent plus que je ne m’y attendais.
— « Vous connaissez ce jeune chamane ? », demanda effrontément Riva, d’une voix glaciale.
— « Il y a quelques jours, il est passé chez nous pour une affaire de poule », répliqua le roux.
— « De poule ? », répéta Riva, perplexe.
— « Écoutez », ajouta Aroulyoun. « Je ne sais pas ce que vous lui voulez, mais, s’il s’avère qu’il est innocent, je vous le rendrai. En route. »
La police d’Osha m’embarqua dans une de ses voitures et me laissa là, assis en face d’un jeune gardien au visage rebondi et rougeâtre. L’homme peinait à respirer dans son uniforme trop serré. Quand la voiture se mit en branle, je soupirai. Puis, un long moment après, je soupirai à nouveau et suggérai sur un ton gentil :
— « Et si tu déboutonnais ta veste ? Si tu tombes dans les pommes par manque d’air, Aroulyoun pensera encore que c’est à cause de moi. »
— « Hein… ? »
Après une hésitation, le policier ouvrit un peu son col. Juste un petit peu, le temps qu’un étrange sens de l’étiquette policière lui revienne. Cette si fière « police démocratique impériale » n’avait-elle qu’une seule taille d’uniforme pour ses hommes ?
À travers les fentes des stores du véhicule, je devinais les arbres qui défilaient. Contournant la zone marécageuse qui séparait le Palais des Pics d’Osha, nous nous approchâmes de la colline où se trouvait la maison d’Oncle Elkesh, passâmes un petit pont et entrâmes dans la ville.
— « Ton chef », dis-je, tout d’un coup, faisant sursauter mon gardien, « c’est un courageux. Entrer de la sorte chez un prince et le convoquer au commissariat… Il a intérêt à avoir de bons gardes du corps. »
Le policier me foudroya du regard.
— « C’est une menace ? »
Je haussai un sourcil, mi-amusé mi-inquiet.
— « Mettons que tu te retrouves entre le glaive et le chef. Tu esquives ou tu fonces sur l’attaquant ? »
— « Me prends-tu pour un lâche ? », rétorqua le gardien. « Bien évidemment, en tant que capitaine de police, je fonce… »
— « Et si, au lieu d’Aroulyoun, ça avait été le chef précédent ? », demandai-je avec curiosité.
Mon gardien hésita puis frappa un de ses genoux avec le poing.
— « Assez de questions, le chamane. »
J’esquissai un sourire mais ne protestai pas. Son hésitation avait suffi à répondre à ma vraie question : cet homme, plutôt honnête, n’avait pas aimé l’envoyé impérial pour qui lui et ses collègues avaient travaillé pendant un an, et il semblait, par contre, avoir développé une certaine loyauté envers Aroulyoun. Non seulement ça, mais il était un de ses capitaines. C’était une bonne chose si Aroulyoun était entouré de gens à qui il pouvait faire confiance. Si seulement il pouvait commander à l’Empire des uniformes plus adaptés à la fonction…
Durant le reste du trajet, mon gardien n’arrêta pas de me lancer des regards défiants. Il devait s’être rendu compte qu’un policier ne se laissait d’habitude pas interroger par un homme en garde à vue.
* * *
Aroulyoun posa le sceau de police sur son bureau avec un bruit sec.
— « Mettons les choses au clair. Assieds-toi. »
Après m’avoir fait patienter dans une petite cellule, derrière des barreaux, pendant deux bonnes heures, on m’avait enfin emmené au bureau principal du chef de police, sans menottes. En voyant le visage crispé de celui-ci, je fis une moue inquiète et m’approchai en récitant :
— « Qui combat le feu ne doit se laisser brûler. J’ai soif : un petit thé ? »
Son front plissé se fronça encore davantage. Je rajoutai :
— « Tu es plus téméraire que je le pensais, Aroulyoun. Renvoyer tes hommes alors que tu fais peut-être face à un terrible chamane qui a dompté une panthère-démon pour tuer le gouverneur ? Tes hommes étaient inquiets, tu sais. »
Le policier roux grimaça puis répéta son ordre :
— « Assieds-toi. »
Je m’assis, croisant les bras.
— « La vérité », dit-il, prenant place à son tour. Il posa ses coudes sur le bureau et me regarda dans les yeux. « Je veux la vérité. »
— « Ah… C’est embêtant », avouai-je. « Je n’ai pas pour habitude de mettre en danger mes amis. »
Aroulyoun se rembrunit.
— « Tu essaies de défendre une organisation secrète qui serait en train de contrôler les bêtes-démons ? »
Sa question me laissa un instant interloqué. Puis je répliquai, amusé :
— « Tu ne crois pas à la version de la panthère possédée par le Démon Dément ? Démono-sceptique, va. »
— « Je ne plaisante pas ! », me coupa-t-il, se levant brusquement, emporté. « Zangsa. Dis-moi franchement : pourquoi es-tu revenu à Osha ? Que faisais-tu dans le Palais des Pics ? Es-tu vraiment membre de cette organisation ? Dis-moi tout ce que tu sais. »
Il n’avait pas l’air d’avoir dormi de la nuit. Rien d’étonnant à ce qu’il perde un peu son calme et saute aux conclusions.
Je lâchai un soupir.
— « Bon. D’abord, réglons un malentendu. Quand j’ai dit que je n’ai pas pour habitude de mettre en danger mes amis, je parlai évidemment de toi, mon ami, et non pas de cette “organisation secrète” qui semble tant te tracasser. »
Aroulyoun écarquilla légèrement les yeux en se rendant compte qu’il en avait peut-être trop dit. Ayant retrouvé son calme, il se rassit en répliquant sèchement :
— « Merci de t’inquiéter pour moi, mais je te rappelle qu’en ce moment, je ne suis pas ton ami mais le chef de police d’Osha. Ta version, ta vérité, sans ambages : voilà ce que je veux entendre. »
— « Et voilà pourquoi je dis que c’est embêtant », soupirai-je. « Je vais te dire ceci : le gouverneur a effectivement été assassiné, mais », fis-je, levant une main en le voyant s’agiter, « cette affaire ne peut pas être prise en charge par la police locale. Tu es peut-être prêt à risquer ta vie pour découvrir les desseins de cette “organisation”. Mais es-tu prêt à mettre en danger la vie de tes hommes ? »
Aroulyoun me regarda vivement.
— « Cette organisation existe donc bel et bien. »
— « C’est une organisation qui s’attaque à l’Alliance du Murim et aux Neuf Grandes Sectes », expliquai-je. Le voyant agrandir les yeux, j’affirmai : « Il vaut mieux donc laisser l’affaire aux cultivateurs, tu ne crois pas ? »
Il y eut un silence. Puis il demanda :
— « Réponds franchement. Cette affaire est-elle susceptible de mettre en danger la sécurité des Oshayens ? »
J’en déduisis qu’il ne comptait pas vraiment le gouverneur comme un Oshayen. Je tapotai mes lèvres de l’index, pensif. Je voulais être franc avec lui, mais…
— « Si une autre panthère venait attaquer Osha, serais-tu en mesure de la tuer ? »
Aroulyoun fronça les sourcils puis, sans répondre, répéta, têtu :
— « Cette affaire est-elle susceptible de mettre en danger la sécurité des Oshayens ? Oui ou non ? »
Je grommelai intérieurement. À ce stade, il avait probablement déjà déduit la réponse, alors pourquoi insister ?
— « Dans le pire des cas, oui », dis-je enfin.
S’ensuivit un autre long silence. Je jetai un coup d’œil vers la théière, sur une petite table basse auprès d’une des fenêtres. À voir la fumée s’en échapper, elle était encore chaude et bien pleine. Quelque policier avait dû la laisser là pour son chef et celui-ci l’avait complètement oubliée tellement il était occupé.
Je me levai et allai remplir une tasse, puis je posai le thé devant un Aroulyoun plongé dans ses pensées et fis :
— « C’est en oubliant de respirer que tout ne fait qu’empirer, disait je ne sais quel sage. »
Aroulyoun battit des paupières et, me voyant m’asseoir avec ma propre tasse fumante, il se mit à me dévisager comme s’il m’apercevait pour la première fois.
— « Quoi ? », dis-je, intimidé.
— « Est-ce que », dit-il enfin, « tu travailles pour l’Alliance du Murim ? »
Je papillotai des yeux.
— « Moi ? Non », pouffai-je à la simple idée. « Je viens de sortir de l’Académie Céleste l’an dernier. Et je n’ai pas l’intention de passer ma vie à organiser des événements et à punir des pseudo-cultivateurs corrompus. Mine de rien, même dans le Murim, rendre justice, ce n’est pas amusant. Enfin, je ne dis pas ça pour t’offenser », tentai-je de me rattraper en le voyant hausser un sourcil. « J’ai du respect pour ces gens… Tout dépend des goûts… Euh, mais pourquoi cette question ? »
— « Tu as les moyens de les contacter ? »
Je roulai les yeux.
— « Tout comme toi. As-tu oublié les Mendiants ? »
Aroulyoun fit une grimace incrédule.
— « Les Mendiants font partie de l’Alliance du Murim ? »
La question me laissa pantois. Et zut, c’est vrai que les gens du commun en savaient autant sur le Murim actuel que sur la véritable Histoire de l’Empire : pour eux, c’était comme un monde à part, ésotérique, vu par les villageois avec un certain respect, vu par les citadins avec une claire raillerie, considéré par les autorités comme des communautés presque dangereuses… Il existait des préjugés de toutes sortes. Seule l’Alliance du Murim avait une assez bonne réputation… Sauf qu’apparemment, peu de gens savaient exactement ce qu’était vraiment cette Alliance.
Je pris une gorgée de mon thé et hochai la tête avec un sourire.
— « Sache que, pour ainsi dire, les Mendiants sont la Secte la plus influente du Murim. Si tu veux contacter l’Alliance, le plus efficace, c’est d’aller voir ces dépenaillés sans le sou qui pratiquent l’avaricieuse vertu de Mougoum », affirmai-je, amusé, terminant ma phrase par une maxime des Mendiants.
Il se leva.
— « Bon. Allons les voir. »
Sa subite décision me laissa coi de surprise un instant.
— « A-Attends, Aroulyoun ! », dis-je, alors qu’il s’éloignait déjà vers la porte.
— « Attendre ? », répliqua-t-il en s’arrêtant. « Attendre qu’Osha soit mise en danger ? »
Il prenait vraiment son devoir à cœur, ce qui était tout à son honneur, mais… Je couvris mon visage d’une main tout en soupirant.
— « Sais-tu ce qu’est la prudence, mon ami ? Je parie qu’en ce moment même, des espions surveillent le commissariat pour connaître tes agissements. Il se pourrait que certains soient même des policiers : tout s’achète dans la société impériale. Déjà, je ne serais pas étonné que tu sois rétrogradé après avoir osé convoquer le Deuxième Prince Impérial : si on te voit fréquenter l’Alliance, tu deviendras directement leur ennemi. »
Aroulyoun fronça les sourcils puis pâlit légèrement.
— « Tu veux dire… Le Prince Zorén serait… ? »
— « C’est lui qui a donné l’ordre de tuer le gouverneur », confirmai-je. « Enfin, je l’ai entendu le dire d’une façon si détournée que je n’ai compris qu’après coup. Ce sont de sales vipères. » Comme Aroulyoun semblait réfléchir intensément, j’allai le reconduire gentiment jusqu’à son fauteuil en disant : « Tu n’as même pas fini ton thé, mon ami. » Je souris en le voyant prendre l’anse et joignis les mains derrière mon dos en reprenant : « À présent que tu vois à qui tu as affaire, si c’est possible, suis ce conseil : si le prince vient à la convocation, accueille-le le plus diplomatiquement possible et montre ton inquiétude pour le Démon Dément et toute l’histoire qu’on te racontera. Avec un peu de chance, ils te laisseront tranquille le temps que l’Alliance règle l’affaire. Si tu me libères, je m’en vais de ce pas prévenir les Mendiants des dernières nouvelles. »
Aroulyoun ne répondit pas immédiatement. Il n’avait même pas levé sa tasse, qu’il tenait d’une main distraite. Debout, près de lui, je le vis froncer les sourcils, plisser le front, faire des moues puis hocher la tête pour lui-même plusieurs fois. Quand il leva enfin les yeux vers moi, ceux-ci avaient une lueur de détermination qui me fit hausser un sourcil inquiet.
— « Je n’ai aucune intention de te libérer », fit-il soudain.
Quoi ? M’avait-il seulement écouté ? Avant que je ne puisse protester, il reprit :
— « Qui nous dit que tu n’es pas surveillé, toi aussi ? Alors, à partir de maintenant… » Il se leva sans avoir goûté son thé. Il ouvrit la porte d’une armoire en chêne bellement ciselée, en sortit une pile de vêtements puis posa celle-ci sur le bureau en déclarant : « Tu vas te déguiser en un de mes hommes. »
Je le dévisageai, éberlué. Il voulait que je porte cet uniforme bleu et rouge de policier impérial ? Moi, un cultivateur du Murim ?
— « Je dirai que tu as été envoyé au cachot pour impolitesses envers un policier. Comme ça, même ce chamane de ce matin ne pourra te défendre si l’inculpation est pour une toute autre raison. J’interdirai les visites. Ça oui, tu es formellement prié de revenir avant ce soir : auquel cas, tes impolitesses se transformeront en agression verbale. »
Je soufflai.
— « C’est moi qui me sens agressé, là, Aroulyoun ! »
— « Appeler le chef de police par son nom alors qu’il est en pleine fonction… »
— « Tu rigoles ? »
— « Et lui couper la parole… »
— « Ça va, ça va », grommelai-je en l’interrompant à nouveau. Je pris l’uniforme et vérifiai la taille. Au moins, ça avait l’air de m’aller.
— « Ce n’est pas le moment de faire le coquet, Zangsa. Le prince peut arriver d’un moment à l’autre. Laisse-moi te reconduire aux cachots. »
— « Je connais le chemin », assurai-je sur un ton léger, dissimulant l’uniforme sous ma tunique.
— « Tu n’es pas chez toi », riposta Aroulyoun.
— « Hein ? Mais je suis policier. »
— « N’abuse pas de ton autorité, quand tu seras à l’extérieur, Zangsa. »
— « Je ne peux pas mettre des amendes par-ci par-là ? » Je pouffai en le voyant esquisser une moue inquiète et assurai, moqueur : « L’officier Zangsa ne vous décevra pas, Votre Grâce. Je ne mets des amendes qu’à ceux qui ne terminent pas leur thé quand on le leur a gentiment servi et apporté. »
— « Ah… Je le boirai tantôt. »
— « Je te crois sur parole. Sur ce… »
— « Au fait », me dit Aroulyoun juste avant d’ouvrir la porte, « qu’as-tu fait de ton apprentie ? »
— « Ayaïpa ? Je l’ai laissée en lieu sûr. Je n’allais pas la traumatiser en la faisant rencontrer des panthères démentes. Ses conversations te manquent ? », le taquinai-je.
Aroulyoun secoua la tête et, sans répondre, il dit :
— « Je compte sur toi pour servir de messager. Dis à cette mendiante à l’argile… »
— « Belbey ? »
— « Oui. Dis-lui que, si je peux être d’une quelconque aide, qu’elle n’hésite pas à me contacter. »
Et c’était déjà plus que ce qu’un chef de police un tant soit peu trouillard aurait jamais osé faire. Je souris.
— « Compte sur moi, Aroulyoun. »
Au vu et au su de tous les policiers, je fus remis au cachot. Là, je me changeai sous les yeux troublés du capitaine rondouillard qui m’avait accompagné dans la voiture. Il s’appelait Kwaroshi et Aroulyoun jurait de sa loyauté. Quelques minutes plus tard, je poussai les barreaux de la porte, laissée ouverte, et me glissai au-dehors en disant :
— « Capitaine, merci de garder ma cellule : je reviendrai avant ce soir. Sur ce. »
Théâtral, je claquai des doigts d’une main, activai le Cube de l’Inexistence de l’autre, et disparus sous les yeux incrédules du capitaine. Bientôt, je sortais du poste de police, aussi imperceptible qu’un soupir.
Je désactivai le cube quelques rues plus loin, pour ne pas gaspiller mon énergie, mais je le réactivai pour entrer dans les Bas-Quartiers où se trouvait la branche des Mendiants d’Osha. C’est en arrivant à celle-ci que je reconnus, perché sur un banc bancal en bois, la silhouette familière d’un jeune Mendiant au regard blasé qui lisait quelque chose écrit sur une feuille.
Je le contournai et vis le cachet de l’Alliance du Murim. Alors, pliant la lettre, le jeune Mendiant lança :
— « Hé ! » Je sursautai. « Il est encore au poste de police ? »
Une ombre en guenilles se détacha d’un bâtiment et répondit haut et fort un :
— « Ouais ! Ils l’ont envoyé aux cachots. Si ça se trouve, ton ami junior est dans le pétrin. »
— « Gaah… J’ai la flemme d’aller le chercher », répondit le Mendiant du banc et, pourtant, il se levait déjà en s’étirant. Pensait-il me sortir clandestinement des cachots ?
Désactivant le cube, je dis sur un ton léger :
— « Hoho. Tu t’inquiétais pour moi, Békap ? »
Le jeune Mendiant s’écarta du banc d’un bond comme si on avait appuyé sur un ressort. Puis, me reconnaissant, il s’écria :
— « Zangzang ! »
Dans le regard blasé de mon sénior pétilla une lueur de soulagement.