Accueil. Zangsa : le cultivateur chamane

20 La Démon des Toiles

Girouette ensevelie dans le ciel,
Sans avenir ni passé…

Perzontes

*

Irahayami ignorait combien de fois il avait répété le Nuage Qui Passe quand la Corne des Nuages s’éteignit. Dans l’obscurité totale, il toucha la corne, lisse et étrangement chaude.

— « Sonju ? »

Seul lui répondit le doux bruit d’une respiration profonde et régulière. Sonju dormait. Irahayami en fut soulagé. Un moment, il avait cru que le vieil homme avait dépensé toute la force vitale qu’il lui restait à lui enseigner la première forme de l’Art Profond des Nuages.

Après un silence, il alla tâtonner la pièce vide. Pendant son entraînement, il avait constaté que celle-ci n’avait aucune porte. Au toucher, il ne perçut non plus aucune fente, ne serait-ce minime, qui laisse entrer un seul filet d’air. Ce qui voulait dire que, s’il restait là trop longtemps, l’air finirait pas se raréfier. C’était peut-être là aussi un nouveau défi conçu par le Fondateur des Nuages ?

Irahayami s’accroupit auprès du coffre, seul meuble dans la pièce. Sur le couvercle, se trouvaient incrustées une vingtaine de pierres spirituelles regorgeant de ki. Irahayami en détacha onze. Puis douze. Il les rangea soigneusement dans sa poche et il allait ouvrir le coffre, mais il se ravisa.

Quoi qu’il y ait à l’intérieur, pour l’instant, Irahayami avait davantage besoin de repos. Il s’assit en tailleur, ferma les yeux et s’endormit.

Il rêva de nuages. Il marchait tranquillement de nuage en nuage. À un moment, il apercevait, de loin, les Montagnes d’Argile. Sur un versant boisé, au pied de la source du Fleuve d’Argile qui roulait en cascade entre les rochers, il put voir l’Académie Céleste, ses différents pavillons et jardins, et, depuis le Jardin Blanc, un homme d’âge moyen, au regard aussi serein que l’eau d’un lac, levait une main pour le saluer. C’était Zéligar. Son maître lui cria quelque chose, mais Irahayami n’entendait pas ses mots. Alors, d’autres cultivateurs se joignaient à Zéligar pour crier. Mais que disaient-ils ?

— « Irahayami ! Hé ! Irahayami ! Petit ! Tu es sourd ? »

Irahayami ouvrit les yeux, comprenant à quoi était dû le tapage de voix dans son rêve. Cela faisait bien longtemps qu’on ne l’appelait pas « petit », mais, pour Sonju, qui avait plus de huit-cents ans, même un Doyen de Secte devait lui paraître très jeune.

— « Sonju ? Qu’y a-t-il ? » Son ton de voix lui avait semblé pressant.

— « Tes amis, au-dehors, ont l’air de s’inquiéter de ta longue absence », répondit le vieil homme. Il était assis sur l’herbe verte de sa colline, au sein de la Corne des Nuages. La lumière de celle-ci illuminait à nouveau les parois de la pièce. Face à la réaction lente d’Irahayami, Sonju assura : « Je n’invente rien : je peux les entendre, car cette corne est liée à sa corne sœur, qui se trouve au cœur de la Porte des Nuages. Ce ne sont pas n’importe quelles cornes, comme tu peux te l’imaginer, mais les cornes du Dragon Céleste. Elles sont l’un des grands trésors de la Secte, alors n’en parle surtout pas à n’importe qui. »

Le Dragon Céleste ? La corne où Sonju était scellé avait appartenu à un dragon ? Irahayami allait de surprise en surprise. Il aurait aimé pouvoir profiter des leçons de Sonju plus longtemps, mais le Fondateur des Nuages semblait pressé de le voir partir. Cela était bien dommage.

Il prit la corne, la posa sur le sol d’un geste respectueux et se leva en saluant et disant :

— « Je te remercie pour tes précieux conseils, Sonju des Nuages. Pourrais-tu m’expliquer comment sortir ? »

Il y eut un silence.

— « Je suis choqué », avoua Sonju. « Ne désires-tu pas en apprendre davantage sur notre Art Profond ? »

Irahayami fut pris de court.

— « Bien sûr. »

— « Tu es donc prêt à renoncer à mes enseignements, que tu ne retrouveras nulle part ailleurs dans toute ta vie ? »

— « Je ne vois pas où tu veux en venir », admit Irahayami. « Ne voulais-tu pas que je parte ? »

Sonju eut un sourire qui se transforma en un bref éclat de rire.

— « Je vois. La bêtise est vite confondue avec la vertu. Laisse-moi t’offrir deux options. Là, à l’intérieur de ce coffre, se trouvent les livres originaux des deux dernières formes de mon Art Profond : l’Orage Céleste et le Nuage Véritable. Tu peux les prendre. Ou bien tu peux m’accepter comme instructeur et m’emmener avec toi, mais, alors, sache que je ne t’enseignerai aucune de ces deux dernières formes et que tu devras maîtriser complètement la Danse des Nuages pour pouvoir revenir dans cette pièce, ce qui, très probablement, te prendra des années. »

Irahayami sentit son cœur battre plus vite. L’Orage Céleste et le Nuage Véritable ? Le premier était mentionné dans les chroniques du Spadassin des Nuages, mais les pas pour l’accomplir n’y avaient pas été transcrits. Quant au Nuage Véritable, Irahayami n’en avait jamais entendu parler. Finalement, l’Art Profond des Nuages n’avait pas huit mais neuf formes !

Irahayami réfléchit aux paroles de Sonju. Il lui offrait deux options, mais, au fond, Irahayami savait qu’il n’en donnait qu’une : pour réussir à maîtriser ces deux dernières formes, il était probablement nécessaire de maîtriser véritablement les six premières. Or, si Irahayami avait appris une chose essentielle, cette nuit-là, c’était qu’il avait encore beaucoup à comprendre et à rectifier. Et que Sonju était le seul à pouvoir lui apprendre les secrets perdus.

Et ce n’était pas tout. Si Sonju avait connu le Spadassin des Nuages mais ignorait sa mort, cela signifiait qu’il était resté dans cette pièce, tout seul, depuis. Même si le paysage, au sein de la corne, avait plutôt l’air agréable, après avoir passé trois-cents ans isolé du monde, il avait peut-être envie de sortir.

La deuxième solution semblait donc la meilleure. Le seul risque était de retirer de cette chambre si bien protégée un être mythique qui pouvait ébranler le monde du Murim s’il tombait dans de mauvaises mains. Mais les risques étaient dans l’ordre des choses.

Irahayami s’agenouilla et dit :

— « Si tu me juges digne, j’accepterais avec grande joie tes enseignements. »

— « Soit », se réjouit Sonju. « Mais je n’ai jamais promis que je t’enseignerai quoi que ce soit, jeune disciple. »

Irahayami sourit intérieurement, s’attendant à cette réplique. Il hocha la tête et rattacha la corne en disant :

— « Moi non plus, je n’ai pas promis de devenir disciple de ta Secte. »

Sonju soupira.

— « Tu es un jeune homme bien ennuyeux. »

Irahayami n’eut pas le temps de répondre : la lumière de la Corne s’éteignit et, l’instant d’après, il atterrit dans l’antichambre, où l’accueillirent, bien surpris, trois membres de l’Escouade du Feu Immortel. On alla quérir le capitaine Nohassi. Le temps qu’il arrive, Irahayami avait grimpé les escaliers et était sorti des ruines. Au-dehors, le soleil était haut dans le ciel. Zangsa et les autres devaient déjà être partis de Shinziyah depuis des heures.

— « Alors… ? », fit le capitaine, mais il se tut, contempla l’expression d’Irahayami et eut un hochement de tête. « On dirait que la visite a été fructueuse. »

Son regard glissa vers la corne attachée à la ceinture du jeune cultivateur, mais il ne posa aucune question. Irahayami joignit les mains en s’inclinant.

— « Je ne sais pas comment tous vous remercier pour avoir protégé cet endroit et avoir attendu mon retour. C’est peu de choses, mais j’ai apporté une pierre spirituelle pour chacun. »

Ils étaient onze. Il distribua à chaque guerrier les pierres qu’il avait détachées du coffre.

“C’était donc pour ça que tu as volé mes belles pierres !”, s’écria Sonju par voie mentale.

Irahayami se pétrifia. Il avait tellement voulu remercier ces guerriers qu’il avait complètement oublié de se demander à qui appartenaient ces pierres ! Ses joues rougirent. Il s’était rarement senti aussi maladroit.

“Je… je vais m’excuser et les reprendre.”

“Pas question.” Le vieil homme se racla la gorge. “Un cadeau ne se reprend pas. Mais tu me paieras pour ça, sois-en sûr, espèce de chenapan voleur.” Il n’avait pas l’air si fâché que ça. “Mais, dis-moi”, ajouta-t-il, “la douzième pierre, c’est pour toi ?”

Comment savait-il qu’il en avait pris douze ? N’était-il pas en train de dormir quand il avait examiné le couvercle du coffre ? Irahayami soupira tandis que l’Escouade du Feu Immortel, appréciant la grande valeur du cadeau, le remerciait chaleureusement. Il répondit à Sonju en toute franchise :

“Je pensais la donner à un ami.”

Le ki doré conservé dans cette pierre spirituelle était particulièrement pur et raffiné : c’était un bien précieux pour un cultivateur et surtout pour quelqu’un qui, comme Zangsa, devait maintenir en équilibre deux océans de ki.

Sonju n’en demanda pas davantage et dit :

“Eh bien, présente-moi cet ami et je déciderai s’il mérite bien une telle pierre.”

Irahayami en fut amusé.

“Je te le présenterai.”

* * *

Après un repas bien garni partagé avec l’Escouade du Feu Immortel et le capitaine Nohassi, Irahayami fit ses adieux tandis que les autres prenaient le chemin de retour vers le centre de l’Alliance du Murim, situé à l’ouest des Collines des Décharnés. Ils allaient, en somme, à l’ouest, comme lui, mais à pied.

Le cheval noir trottait avec énergie et, en moins de trois heures, ils laissèrent derrière eux les rizières de la contrée des Ruisseaux.

Ils passaient par des collines boisées assez inhabitées quand Sonju lança par voie mentale :

“Halte. Arrête ton cheval, Irahayami. Je sens le piège.”

Un piège ? Irahayami tira sur les rênes et aiguisa ses sens. La journée de printemps était magnifique, les arbres autour de lui, baignés sous le soleil, offraient un vrai spectacle de couleurs vertes… mais les oiseaux ne chantaient pas.

Alors, Irahayami les vit. Les fils de ki : ils étaient tissés comme une toile de part et d’autre du chemin, enchevêtrés aux arbres. Le premier fil se trouvait à un mètre à peine de distance. Quant à l’auteur de ce piège…

Un fil de ki jaillit des fourrés, à sa droite, accompagné d’un gloussement. Puis un autre fil fusa de sa gauche, rétrécissant de plus en plus l’espace libre. Irahayami regarda en arrière et constata qu’il y avait à présent aussi des fils derrière lui. Sentant que quelque chose n’allait pas, le cheval noir commença à s’agiter. Irahayami ignorait les effets de ces fils de ki, mais ils n’étaient assurément pas inoffensifs. Pire encore : il était presque sûr d’avoir vu un chatoiement de couleur pourpre. Du ki-démon.

Il sauta à terre, caressa le museau du cheval pour le calmer, puis l’attacha à un arbre libre de fils de ki. Alors, il dégaina Nuage et demanda :

— « Qui va là ? »

Il y eut un autre gloussement puis un troisième, provenant d’un lieu tout autre au premier, et d’autres encore… Combien étaient-ils ?

“À mon avis,”, fit Sonju, “ton adversaire veut t’avoir dans son piège sans devoir s’approcher. Ne t’endors pas et bouge !”

Bouger, oui, mais vers où ? Il fallait d’abord qu’il repère son ennemi.

Du coin de l’œil, Irahayami aperçut une clairière, un peu plus loin. Il fusa, évitant par des pas précis les fils de ki presque invisibles. Alors qu’il arrivait à la clairière, Sonju souffla, soudain, se rendant compte :

“Arrière ! Sors d’ici au plus vite !”

Trop tard : une toile de ki toute préparée tombait déjà sur Irahayami. Son adversaire attendait-il, en fait, qu’il se réfugie dans la clairière depuis le début ? Ça en avait tout l’air.

Si Irahayami n’avait plus le temps d’éviter la toile, il avait encore le choix de la détruire. Il choisit la Danse des Nuages et opérait déjà le premier pas quand Sonju lança :

— « La Première Forme ! »

Pensait-il qu’il pourrait sortir de là à temps avec le Nuage Qui Passe ? Irahayami adapta de suite sa posture et, son esprit de retour dans la Chambre des Nuages, il réalisa les mêmes mouvements qu’il avait réalisés pendant des heures la veille.

Il évita la toile de justesse avant que celle-ci ne se referme sur lui.

“Bien joué !”, le félicita Sonju.

Une silhouette sortait à l’instant des fourrés : elle s’arrêta net en voyant Irahayami indemne.

C’était une femme aux cheveux noirs, plutôt petite et à la peau hâlée recouverte de tatouages d’araignées sur leurs toiles — deux d’entre elles formaient un cœur au niveau du nombril. Elle portait des vêtements noirs ajustés qui cachaient à peine ses courbes généreuses. Elle posa une main sur sa hanche, un sourire aux lèvres.

— « L’Épée Filante Qui Danse. C’est bien toi, n’est-ce pas ? Le petit prodige des Nuages. Ta performance m’épate. »

Elle n’avait pas l’air préoccupée de voir son piège échouer. Cachait-elle encore un autre piège ?

De plus, « le petit prodige des Nuages » ? Était-ce pour cela qu’elle le recherchait, lui, expressément ? Parce qu’il était, pour ainsi dire, le seul pratiquant en vie de l’Art Profond des Nuages ? L’avait-elle vu entrer dans la Secte de la Justice en ruines ? Si elle était au courant, pour la chambre secrète des Nuages… cela voulait peut-être dire qu’elle était une membre de la Secte de la Justice ou, pire encore, de l’Œil Renversé.

“Du calme, mon garçon.”

Aux paroles de Sonju, Irahayami se rendit compte qu’il serrait son épée avec davantage de force. Il se détendit et demanda :

— « Pourquoi tu m’attaques ? »

Son adversaire leva un index avec un sourire.

— « Parce que tu es trop beau pour que je passe mon chemin ? »

Irahayami comprit qu’elle n’allait pas lui donner la vraie raison. Un nouveau fil de ki fusa de ses doigts, puis d’autres. Irahayami les évita tous avant de se rendre compte qu’elle ne le visait pas lui mais la toile qu’il avait derrière. Elle était en train de l’encercler à nouveau.

Dix mètres environ les séparaient. Irahayami s’approcha d’un pas vif, l’épée au clair. Quand elle se mit à nouveau à fabriquer des fils, il s’élança avec le Nuage Qui Passe laissant ses mouvements entraîner sa lame. Au dernier moment, il vit le petit sourire victorieux de la femme tatouée et il s’arrêta net. Cela lui coûta cher : la toile, derrière lui, l’enserra comme un filet encerclant un banc de poissons. Irahayami essaya de se libérer et s’empêtra encore davantage. La lame de Nuage, pourtant en métal de lune, n’arrivait pas à trancher les fils ! D’un ample geste des bras, la femme tatouée referma la toile et dit d’un air amusé :

— « Tu m’as presque eue, petit vaurien. » Puis elle lança à voix haute : « Les filles ! Vous pouvez le ligoter, maintenant. »

Alors, quatre femmes et un homme habillés en civil sortirent des fourrés. Le dernier applaudissait, l’air satirique :

— « Hourra, la Démon des Toiles a encore gagné contre un morpion ! »

La femme tatouée lui envoya un regard venimeux.

— « N’empêche qu’il est plus fort que toi, le morpion. »

La Démon des Toiles ? Irahayami en avait entendu parler. C’était la fondatrice de la Secte de la Jouvence, secte disparue à ce jour. Tapie dans la Cité Impériale, elle avait trompé de très nombreuses personnes pendant une décennie entière, faisant tout type d’expériences monstrueuses dans sa quête de la jeunesse éternelle. Sa secte avait alors pris de telles proportions que les citoyens, indignés, avaient réclamé justice et les autorités impériales avaient soi-disant emprisonné la Fondatrice de la Jouvence. Il y avait bien trente ans de cela. Si cette femme tatouée, devant lui, était vraiment la Démon des Toiles, alors…

“Irahayami”, intervint Sonju par voie mentale. “Écoute bien. Je ne vois qu’une manière de sortir d’ici : c’est de se transformer en nuage.”

Irahayami souffla sous le coup de la surprise, puis il comprit alors que Sonju ne plaisantait pas. Voulait-il parler du Nuage Véritable, la Neuvième Forme de l’Art Profond des Nuages ? Était-ce seulement possible de transformer tout un corps en vapeur d’eau puis de reprendre sa forme originale ? Le regard fixe sur les femmes qui approchaient pour le ligoter, Irahayami soupira.

“Désolé, Sonju, mais je ne saurais même pas par où com…”

“Si tu me prêtes le contrôle de ton corps un instant, on peut peut-être y arriver”, le coupa Sonju. “Mais je t’avertis, si ça ne marche pas, tu risques une grave déviation du ki. Et que je réussisse ou pas, je vais avoir besoin d’un bon temps de repos pour me remettre.”

Lui prêter le contrôle de son corps ? Irahayami comprit quand il sentit la présence de l’esprit de Sonju infiltrer son corps. Malgré la sensation désagréable, il ne résista pas et concentra toute son attention à laisser à Sonju la voie libre. Il n’avait cependant jamais cédé le contrôle de son corps à quelqu’un d’autre et il se demandait s’il en était capable quand, soudain, il sentit son océan de ki s’élever comme une montagne, comme si quelque chose l’attirait vers le haut.

“Essaie de taire ton esprit !”, dit Sonju.

Irahayami comprit que son attention posée sur son océan de ki empêchait Sonju de poursuivre. Il s’efforça de ne plus penser à rien et de tout oublier, son corps inclus, jusqu’à son existence. Il y arriva si bien qu’il ne reprit ses esprits que lorsque Sonju lui lança à voix haute :

— « À toi de jouer ! »

Irahayami eut un temps d’arrêt pendant lequel il s’aperçut qu’il ne se trouvait plus emmêlé dans la toile de la démon mais à quelques mètres de là, vers le centre de la clairière. Il portait toujours ses vêtements et Nuage à la main… peut-être parce qu’il avait fabriqué les premiers avec son propre ki comme tous les étudiants avant de quitter l’Académie et que l’épée, quant à elle, avait été spécialement fabriquée pour le Spadassin des Nuages. Et, heureusement, il portait aussi encore la Corne des Nuages. Quant au bracelet de Zangsa, il ne l’avait plus, mais il était sûr que Zangsa le lui pardonnerait.

Il partit en courant dans le sens opposé à ses ennemis. S’était-il transformé en nuage ? Il n’en gardait aucun souvenir. Il était cependant bien certain d’une chose : il n’était pas de taille à affronter la Démon des Toiles, du moins dans cette colline boisée. Il lança un coup d’œil par-dessus son épaule, vers ses six poursuivants. Tous utilisaient du ki pour optimiser leurs mouvements. Ce n’était assurément pas de simples bandits.

Dévalant la pente et courant entre les arbres, Irahayami réfléchit à ses diverses options. Il n’était plus si loin de Shinziyah. Une heure au pas de course tout au plus. Mais il ne connaissait probablement pas la région aussi bien que ses poursuivants. En fuyant, il risquait de tomber dans un nouveau piège.

Et s’il changeait de direction ? Il pouvait essayer de rejoindre le Croc des Glaces, qui se dressait au sud, à environ la même distance que Shinziyah. Sur ses pentes escarpées, il pourrait plus facilement prendre ses attaquants un par un.

Alors, il crut entendre la voix de Zangsa lui dire : hey, Irami, Irami, si un tigre te poursuit, mène-le chez un tigre plus grand !

Cela le fit opter pour la troisième option et, dès qu’il arriva dans une partie moins boisée, il vira vers l’est, vers la contrée des Ruisseaux qu’il avait traversée. Avec une pensée pour le pauvre cheval noir qu’il avait laissé sur le chemin, il fila vers l’orient, vers où se trouvait à priori l’Escouade du Feu Immortel.

À cause de ce virage, ses poursuivants réduisirent de beaucoup la distance qui les séparait de lui, mais Irahayami filait comme un nuage emporté par le vent.