Accueil. Zangsa : le cultivateur chamane
Une goutte de nuage d’été
Sur mon cœur est tombée.
Maître Ryol
*
Ils arrivèrent à Shinziyah en milieu d’après-midi et, pendant que Ceyra réservait la diligence pour le jour suivant, Yo-hoa leur donna des nouvelles de compagnons de classe. Hassa, le Fin Colibri des Papillons Blancs, avait quitté le Lac des Immortels et entrepris un voyage vers le Grand Océan, longeant le Grand Fleuve. Suri, de la Balance, s’occupait d’un troupeau de moutons spirituels non loin de sa secte, dans les Montagnes Perdues, alors que son confrère, Akigo, était entré en réclusion peu après que Yo-hoa était arrivé à leur montagne :
— « Il m’a dit qu’il va rompre avec la nature pour la comprendre mieux et mieux se réconcilier avec elle. »
Face à la grimace interrogative de Pok, Zangsa récita :
— « Plus on s’éloigne de la nature, plus on comprend sa pureté et plus on arrive à s’approcher d’elle, dit leur Fondateur. »
Irahayami se réjouissait d’entendre que tout semblait bien se passer du côté de ses anciens camarades. Cependant, il devait partir. Comme mû par un sixième sens, Zangsa se tourna vers lui.
— « Irami. Tu pars ? »
Irahayami acquiesça et dit :
— « Avec un peu de chance, je serai de retour avant demain matin, mais ne m’attendez pas. Faites attention de votre côté. »
Zangsa sourit.
— « On fera attention, bien sûr. »
Irahayami salua tout le monde, Pok inclus, et il s’éloignait déjà dans la foule quand il entendit la voix de Zangsa l’appeler :
— « Eh, Irami, Irami ! Ne fais pas de cauchemar cette nuit ! »
Irahayami sentit les yeux curieux des passants se poser sur lui, goguenards. Pourtant, Zangsa était sincère. Souriant intérieurement, Irahayami hocha la tête puis alla louer un cheval. Il en choisit un noir, aux pattes puissantes et élancées. Bientôt, il quittait la Cité des Cendres à un trot rapide.
L’endroit que lui signalait Zéligar dans sa lettre se trouvait à l’est, à mi-chemin entre Shinziyah et la Forêt des Astres, dans la contrée des Ruisseaux, appelée ainsi car de très nombreux cours d’eau la traversaient, descendant du Croc des Glaces puis affluant vers le Grand Fleuve. C’était une zone pleine de petits villages qui vivaient surtout du riz qu’ils cultivaient.
Quelque part, au-delà d’un village du nom de Zarestra, un groupe appelé la Secte de la Justice avait installé sa base il y avait de cela six ans. Irahayami avait découvert leur existence trois ans auparavant, durant son Tour des Sectes, quand il avait été traqué et attaqué par leur leader.
Il se rappelait cette nuit de tempête comme si c’était la veille. Quittant la Secte de la Balance, il avait pris un bateau depuis la Cité Émeraude pour remonter le Grand Fleuve, à destination de la Secte du Papillon Blanc. Pendant une escale, il avait reçu un message signé « Ord, le Tigre Blanc » lui demandant de se rendre à un lieu fixé pour un duel s’il voulait qu’une jeune fille prise en otage ne soit pas sacrifiée. Non seulement l’histoire d’otage s’avéra fausse mais, en plus, le duel s’était révélé être une embuscade.
— « Jette ton épée et rends-toi ! », l’avait exhorté Ord.
Irahayami avait demandé leur objectif, mais on ne lui avait pas répondu : alors, il les avait neutralisés et avait continué son voyage. Après avoir raconté l’événement à Maître Zéligar, celui-ci avait eu l’air inquiet et l’avait prié d’être doublement prudent : “certains esprits avides de pouvoir pourraient vouloir soutirer tes techniques ou dérober ton épée”, avait-il dit. “Et puis… N’oublie jamais que la Secte des Nuages, bien que disparue, est toujours haïe par les descendants de l’Œil Renversé”.
L’Œil Renversé était un groupe secret formé et dirigé par un cercle d’esprits assoiffés de pouvoir. Des grandes guildes, des dirigeants de l’Empire et d’au-delà, des pratiquants d’arts démoniaques… Trois siècles auparavant, l’Œil Renversé avait pris tellement d’ampleur que la misère et la perversité s’étaient déchaînées au sein du peuple à tel point que les Grandes Sectes elles-mêmes avaient commencé à sombrer dans les ténèbres. La Secte des Nuages avait fortement contribué à rétablir l’Alliance du Murim, qui avait œuvré peu à peu et sans relâche à extirper le mal, faisant naître la peur parmi ceux-là même qui terrorisaient la population. Ça avait été une époque sanglante, peu propice à la cultivation. Ainsi, quand la Secte des Nuages perdit ses doyens, les grandes techniques se perdirent et les jeunes disciples perdirent également le Chemin. Fort heureusement, l’Œil Renversé avait également été détruit.
Ou c’est ce que tout le monde pensait, mais Maître Zéligar venait de détromper Irahayami dans sa lettre.
Apparemment, le bastion d’Ord le Tigre Blanc avait été détruit l’hiver passé, par un immense incendie provoqué par de l’énergie démoniaque. Non seulement ça mais, à l’intérieur, une escouade de l’Alliance avait découvert une salle secrète avec, gravé sur un mur, le vieux symbole de l’Œil Renversé. Ord avait-il appartenu à la secte ? Avait-il subi un règlement de comptes ? Zéligar n’en savait rien, mais la possibilité l’inquiétait manifestement. La seule chose qu’il ajoutait dans sa lettre était qu’au fond de cette salle, il y avait une porte bien plus ancienne qui avait, peut-être, appartenu à la Secte des Nuages.
Arrivant sur les lieux, Irahayami ne tarda pas à comprendre pourquoi ce « peut-être ».
Il salua les membres d’une escouade de l’Alliance qui attendait son arrivée. C’était l’une des raisons pour laquelle il n’aurait pas pu se permettre de remettre cette visite à plus tard : ç’aurait été user du temps de ces gens, qui avaient sûrement d’autres choses à faire plus importantes que d’attendre un jeune cultivateur tout juste sorti de l’Académie. D’autant plus que l’escouade, comme Irahayami s’en rendit vite compte, était dirigée par Nohassi, l’Étoile Rouge, un des trois grands commandants de l’Alliance et le capitaine de l’Escouade du Feu Immortel. Tous deux se saluèrent poliment et gravement.
— « Désolé de vous avoir fait attendre. »
— « Nous ne faisons que notre devoir. L’effort est bien petit quand on pense que cette chambre cachée pourrait appartenir à la Secte des Nuages. Irahayami, l’Épée Filante. C’est un plaisir de te revoir. »
Il se souvenait de lui ? Ils ne s’étaient pourtant croisés qu’une fois, à l’Académie, et ils ne s’étaient jamais parlé ni ne s’étaient d’ailleurs présentés. Tout, dans cet homme, de la chevelure rouge rebelle à l’énorme hache qu’il portait, en passant par son regard direct, plut à Irahayami.
On le guida dans le bâtiment en ruine jusqu’à une trappe qui descendait vers une cave, elle-même communiquant avec une ample salle souterraine dallée entourée de parois bien droites.
La première chose qu’Irahayami repéra fut le dessin gravé sur un des murs en pierre : il représentait un grand œil flanqué d’ailes de dragon au-dessus d’un soleil. L’œil qui dominait les cieux… C’était le symbole de l’Œil Renversé. Il ne l’avait jusqu’alors vu que dans les livres d’Histoire, mais il le reconnut aussitôt. Il le garda dans sa mémoire.
Puis il s’intéressa à la grande porte qui se dressait au fond de la salle. Les gravures ciselées dans la pierre étaient presque toutes endommagées, comme si quelqu’un s’était amusé à faire exploser des bombes pour essayer de forcer son entrée. Cependant, à part ça, la porte était intacte. De plus, on pouvait encore percevoir de nombreux motifs grâce au ki. De sa main, Irahayami caressait la surface froide. Il perçut la présence d’une barrière runique. C’était probablement ce qui avait maintenu la porte indemne et fermée. Quant à savoir si la chambre qu’elle protégeait était liée à la Secte des Nuages… Irahayami ne voyait qu’une voie possible pour le vérifier.
Sur le battant de droite, il avait remarqué une empreinte de main, gravée là non par quelque explosion mais par un cultivateur. La main gravée était protégée par la barrière runique, ce qui signifiait qu’elle faisait partie intégrante de la porte et qu’elle était là pour un motif bien précis.
Irahayami allait poser sa main sur la marque quand Nohassi dit :
— « Je dois t’avertir : Maître Zéligar est lui-même venu ici il y a deux mois et a remarqué, comme toi, cette marque de ki. Quand il a posé sa main, une formation runique s’est activée devant la porte et, quand il est sorti du cercle, il s’est évanoui. Il a mis cinq jours à se réveiller. »
Irahayami s’était arrêté à quelques centimètres de la marque. Une barrière runique capable d’assommer pendant si longtemps le célèbre Tailladeur de Pétales, héritier de l’Art Profond des Fleurs de Pruniers… ? Maître, songea-t-il avec un soupir intérieur. Il ne lui avait pas écrit ça dans sa lettre. Pourquoi ?
Il comprit pourquoi quand sa main toucha la pierre froide. Un nouveau sceau runique s’activa autour de lui, dévoilant à ses yeux la porte telle qu’elle était à son origine, bellement ornée dans la simplicité, avec le nuage bleu qui symbolisait la Secte des Nuages. Il put aussi lire ce qui y était écrit :
« Que la Danse du Nuage illumine ton Chemin. »
Le message était si clair que Maître Zéligar n’avait vu nul besoin de lui expliquer quoi que ce soit dans sa lettre. Irahayami comprit aussitôt. La Danse du Nuage était la clef. C’était peut-être la technique la plus ardue qu’il avait apprise des textes que lui avait passés Maître Zéligar. Maîtrise de la forme, harmonie du ki intérieur et du ki extérieur… Le tout pour devenir aussi léger et insaisissable qu’un nuage.
Maître Zéligar était sûrement sorti de la formation runique sans réaliser cette Danse et l’avait payé de cinq jours d’inconscience. Irahayami n’avait aucune intention de l’imiter.
Le sceau runique qui s’était activé sur le sol devant la porte mesurait bien quatre mètres de diamètre. Cela lui donnait largement assez d’espace. Irami tourna la tête vers Nohassi et ses hommes et constata qu’ils avaient prudemment reculé. Il leur adressa un hochement de tête, puis, sans un mot, il dégaina Nuage.
Pendant un bon moment, il régula complètement sa respiration. Alors, il accomplit le premier mouvement et sentit comme l’énergie du sceau se « réveillait ». Au deuxième, une brume épaisse se forma en tourbillonnant autour de lui puis s’enroula autour de Nuage. Au troisième mouvement, elle fut happée et resta comme en suspension autour d’Irahayami.
Alors, soudainement, Irahayami disparut, le ki du sceau avec, et une voix incrédule lança :
— « C’est ça, pour toi, la Danse du Nuage ? »
Irahayami était tombé à plat ventre sur la pierre froide… Le souffle coupé, il s’attela à calmer son ki, dont le flux régulier avait été brusquement perturbé. La voix continuait :
— « Pourquoi dégainer ton épée ? Tu as vu un ennemi quelque part ? Tu ne réussiras pas la Danse du Nuage comme ça ! »
Quand Irahayami releva la tête, il constata qu’il n’était plus dans la même salle. S’était-il téléporté ? Nohassi et ses hommes n’étaient plus là. Il n’y avait, en fait, rien d’autre, dans cette salle, que lui, une corne de bête spirituelle qui émettait une douce lumière dorée, et un coffre. Irahayami se releva.
— « Qui parle ? », demanda-t-il.
— « Comment ? Ne sais-tu pas qui je suis ? Mais qu’enseigne-t-on de nos jours aux jeunes ? Je suis ici, dans la Corne des Nuages. » Irahayami se tourna vers la corne illuminée et put voir le reflet vague d’un vieillard aux longs cheveux blancs assis en tailleur sur de l’herbe verte au pied d’un arbre… Il cligna des yeux, croyant halluciner, tandis que le vieil homme ajoutait : « Un disciple des Nuages n’apprend donc plus à reconnaître le Fondateur ? »
— « Le Fondateur ? »
— « Le Fondateur, tout à fait. Je suis Sonju, le créateur de l’Art Profond des Nuages. Ton ancêtre. Enfin, si je t’ai laissé passer, c’est parce que je m’inquiète du sort de la Secte. Qu’on ose envoyer un jeune disciple comme toi ici pour que je voie comment tu mutiles l’une des plus belles danses que j’ai créées… Cela me trouble fâcheusement. »
Irahayami n’était pas facilement impressionnable. Mais là… Il s’agenouilla auprès de la corne, le cœur battant.
— « Sonju », répéta-t-il. « Sonju le Fondateur ? Comment se fait-il ? »
— « Les humains sont-ils devenus encore plus bêtes au fil du temps ? », rétorqua Sonju depuis la corne. « Mes descendants ont-ils oublié ma personne ? Attends, d’abord, réponds : combien de temps a passé depuis que le Spadassin des Nuages est venu me voir ? Est-il toujours en vie ? »
Comme à chaque fois qu’Irahayami se sentait dépassé par les événements, il resta silencieux et immobile et réfléchit. Après un silence, Sonju se racla la gorge :
— « Jeune disciple. Qu’y a-t-il ? »
L’esprit de Sonju, le premier cultivateur des Nuages, était encore de ce monde… Scellé dans une corne, il avait traversé les siècles, puis, pour quelque raison, l’existence de cette corne était tombée dans l’oubli. Irahayami ignorait comment cela se pouvait, mais il ne se posa pas plus de questions que ça sur le sujet. Il avait, par contre, le cœur un peu lourd à l’idée de devoir ne lui apporter que de mauvaises nouvelles.
Il s’inclina avec respect.
— « Irahayami salue le Fondateur des Nuages. Que tu m’appelles jeune disciple m’honore, mais ce n’est pas la vérité : je ne suis pas un disciple de la Secte des Nuages. »
— « Comment ça ? Ta technique contenait pourtant l’essence des Nuages. »
— « Car j’ai pu choisir le Chemin des Nuages grâce à de vieux textes que mon maître m’a prêtés. Je suis désolé de t’informer que la Secte des Nuages n’est plus depuis trois siècles. »
Un long silence s’ensuivit. Irahayami sentit son cœur se serrer. Comment devait se sentir Sonju après une telle nouvelle ?
— « Ah », fit alors le vieil homme. « Puis-je te demander de m’expliquer comment cela a eu lieu ? »
Irahayami ferma les yeux et hocha la tête.
— « Bien sûr. »
Dans la quiétude de cette chambre secrète, il raconta alors tout ce qu’il savait sur la Deuxième Guerre des Sectes contre l’Œil Renversé, trois siècles plus tôt, puis sur comment l’Art Profond des Nuages avait été perdu avec la mort du Spadassin des Nuages puis partiellement retrouvé par le grand-père du professeur Zéligar, son maître.
Irahayami parla longuement. Quand il se tut, il y eut un silence, puis :
— « Après une tempête, vient le calme, dit-on. »
Plutôt que le calme, ne voulait-il pas dire l’oubli ? Il ajouta :
— « Tu dis que tu es le seul, que tu saches, à être arrivé à maîtriser les techniques des Nuages ? Quelle arrogance. Certes, tu as du talent. Mais ce maître à toi t’a donné cette épée bien trop tôt, si tu veux mon avis. »
— « Que veux-tu dire, grand sage ? »
Sonju quitta sa position assise pour se lever.
— « Veux-tu que je te montre ? Tiens-moi dans ta main et ne me lâche pas. »
Curieux, Irahayami tendit sa main et prit la Corne des Nuages. Aussitôt, il sentit une forte énergie, comme si quelque chose essayait de s’enraciner dans son corps. Irahayami fut tenté de lâcher prise, mais il décida d’être patient. Le ki de la corne arrêta bientôt de s’agiter.
— « À présent, attache la corne à ta ceinture, laisse ton épée dans son fourreau et réalise la Première Forme de l’Art Profond. »
Irahayami obtempéra, de plus en plus intrigué. Il fit fluer son ki comme l’eau, puis calma son océan de ki jusqu’à ce que sa surface soit aussi lisse que celle d’un lac.
— « Et voilà la première erreur », l’interrompit Sonju. « Quel est le nom de la Première Forme ? »
Irahayami n’avait même pas encore fait un pas et il avait déjà commis une erreur ?
— « Le Nuage Qui Passe », répondit-il.
— « Exactement ! Que faut-il pour qu’un nuage soit en mouvement ? »
Irahayami demeura saisi un instant.
— « Du vent ? »
— « Du vent ! », confirma Sonju. « Et comment est la surface d’un lac quand le vent souffle dessus ? »
— « Il y a des rides. »
À peine Irahayami eut-il donné la réponse, qu’il en saisit tout le sens : Sonju voulait parler de son océan de ki. Cela voulait-il dire qu’il pouvait suivre le flux de son ki intérieur ? Mais comment ? Un contact direct avec la peau était habituellement requis pour percevoir les mouvements des énergies internes, or la corne était attachée à sa ceinture, certes assez proche, mais elle ne le touchait pas. Peut-être le vieil homme avait-il forgé un lien quand Irahayami l’avait prise ? Zangsa aurait sûrement su répondre.
Alors qu’Irahayami baissait des yeux curieux vers la corne, Sonju ajouta :
— « Le Nuage Qui Passe a besoin de vent, tout comme la Brume Céleste a besoin d’un calme absolu. Retente encore une fois. »
Irahayami se concentra, ridant doucement son océan de ki, puis il s’élança, imaginant qu’il avait Nuage à la main, et il taillada un adversaire illusoire, passant à ses côtés avec la légèreté d’un coup de vent. Il atterrit avec douceur et demeura un instant immobile, le cœur frémissant de cette joie qu’on éprouve quand on vient de découvrir une nouvelle beauté dans le monde.
Sonju rompit le silence.
— « Non, ce n’est pas ça. Qui es-tu ? »
Le Fondateur avait-il des troubles de mémoire ?
— « Irahayami… »
— « Non ! Tu es un nuage qui passe ! Les nuages se déplacent-ils contre le vent pour attaquer un adversaire ? »
— « Non », répondit Irahayami en hochant la tête. Il se sentait de plus en plus enthousiasmé. « Mais le Nuage Qui Passe n’est-il pas un coup d’épée ? »
— « C’est une attaque qui entraîne l’épée. L’essence de l’Art Profond se trouve dans toutes ses formes, la première incluse. Et quelle est cette essence ? Le nuage. Une fois que tu auras compris comment se comporte un nuage, tu maîtriseras l’Art Profond, pas avant. Retente encore ! »
Irahayami réalisa à nouveau la Première Forme en oubliant l’adversaire, mais Sonju le reprit encore, et lui demanda de réessayer.
Irahayami avait perdu le compte des fois qu’il avait réalisé les mêmes mouvements quand, à l’énième fois, Sonju resta un moment silencieux dans sa corne puis sourit.
— « Un nuage part, mais un autre revient. »
— « Comment ? », fit Irahayami, croyant avoir mal entendu et s’attendant à quelque conseil.
Sonju rétorqua :
— « Tu penses trop à l’équilibre ! Un nuage pense-t-il à l’équilibre ? Non ! Et, pourtant, il ne tombe pas. Ne laisse pas tes pas te freiner. Une fois de plus ! »
Irahayami ne se fit pas prier. Tous les conseils de Sonju visaient juste, ce qui ne laissait plus un doute sur son identité. Sonju était bien le véritable Sonju, le premier créateur de l’Art Profond des Nuages. Quant à la raison pour laquelle il était encore vivant dans cette Corne des Nuages, après plus de huit-cents ans… c’était un mystère qu’Irahayami aurait voulu élucider. Toutefois, pour l’instant, comprendre la véritable essence de l’Art Profond de Sonju était plus important.