Accueil. Zangsa : le cultivateur chamane

103 L’Impératrice des Poisons

Quand la rage s’endort
Sous le feuillage, auprès de l’eau qui ruisselle,
Une étoile apparaît
Qui murmure un baiser
De réconfort et de sages conseils.

Perzontes

*

Une sorte de gros serpent bleu s’était enroulé autour de moi et m’étouffait en ronflant bruyamment. Je me réveillai en grognant, écrasé par le poids de Naganaga. Je battis des paupières, observai les belles poutres du plafond, sentis les planches dures en bois sur lesquelles j’étais allongé… et j’essayai de me rappeler comment, au juste, je m’étais endormi à même le sol, dans le bureau du commissariat de police. Je n’étais pas le seul : Izahi dormait aussi, affalée dans le fauteuil auprès de la fenêtre, et Aroulyoun était allongé tout près de moi, à même le sol.

Je m’assis sur mon séant et écartai délicatement Naganaga. Les rayons du soleil de l’aube cascadaient à l’intérieur de la pièce à travers la fenêtre ouverte. On entendait un brouhaha de voix et le grondement sourd de la ville qui se réveillait. Mon regard se posa à nouveau sur Aroulyoun. Ses traits s’étaient améliorés : ses cernes avaient disparu. Mais…

Pourquoi diable nous étions-nous endormis tout d’un coup ? J’avais pourtant eu l’intention d’aller à la Branche des Mendiants et également d’aller surveiller Jigaé Tang. Mais je m’étais endormi. Comment ça se faisait ?

Bon, au moins, j’avais bien récupéré, me dis-je tout en m’étirant et bâillant.

“Ah, tu es réveillé”, fit alors Shiawkoun.

“Dragon divin…”

Je me tus en remarquant un cahier jeté à mes pieds. Deux feuilles avaient été arrachées. Le contenu, décoré de sceaux runiques et de calculs, m’était familier…

“J’ai jeté un coup d’œil au cahier avec Naganaga cette nuit”, expliqua Shiawkoun. “Ah, mais, avant tout, tu es probablement confus. Je ne m’attendais pas à ça non plus : Naganaga a brusquement expulsé toute la faroule qu’elle avait inspirée dans la chambre de la Maison des Parfums. Et, tous les trois, vous vous êtes endormis.”

Je mis quelques secondes à comprendre.

“Naganaga a fait… quoi ?”

“Hum. Tu ne te souviens de rien ?”

Je secouai la tête.

“Non. Attends… les renards-démons sont censés être résistants à la faroule. Tu es sûr de ce que tu dis ?”

“Son corps a dû transformer la faroule en quelque chose de plus puissant”, suggéra Shiawkoun. “Un ancêtre me dit que les jeunes oyonoki obtiennent des « pouvoirs spéciaux » selon leur environnement.”

Voulait-il dire par là qu’après avoir respiré tant de faroule, Naganaga avait appris à fabriquer un sédatif brutal capable d’assommer un cultivateur ? Si c’était le cas, j’étais coupable, car c’était moi qui l’avais laissée dans cette chambre emplie d’encens… Je grimaçai. J’avais sûrement mal compris. Je me raclai la gorge.

“Une oyonoki expulse-t-elle toujours les poisons de cette façon ?”

“Euh… Je ne sais pas”, avoua le dragon divin. “Elle n’a pas su m’expliquer, mais, à mon avis, elle a agi de manière instinctive. Vous voir endormis, ça l’a étonnée. Elle a même essayé de te réveiller mais n’a pas réussi. Comme elle se sentait triste à penser qu’elle était à nouveau toute seule, je l’ai consolée et nous avons regardé le cahier ensemble.”

“Le cahier”, répétai-je. Je baissai à nouveau mon regard sur le cahier malmené. “Ah. Ce cahier. C’est… Attends une minute, c’est le troisième cahier que possédait Riva !”

“Exactement”, confirma Shiawkoun. Alors que je tâtonnais ma tunique et mon carquois vaudou pour m’assurer que Naganaga n’avait rien volé d’autre, il reprit : “Et devine quoi, ce cahier appartient aussi aux Tang. On y explique comment réparer le Sceau du Centipède Aux Mille Poisons.”

J’agrandis les yeux, incrédule, puis tendis une main pour feuilleter le cahier. Ces runes… Ces cercles… J’avais d’abord cru, en lui jetant un rapide coup d’œil, qu’il ne s’agissait que d’un cahier runiste classique, mais, maintenant que j’analysais un peu plus chaque page, ces combinaisons et cette complexité… C’était de l’information très spécifique pour un sceau tout sauf commun. Ce cahier n’avait rien à faire entre mes mains. Il renfermait les secrets d’un sceau mythique des Tang vieux de plusieurs siècles. Ak-Baé allait probablement être assez compréhensif, vu que j’ignorais jusqu’alors son contenu, mais… il y avait un problème.

Je grimaçai.

“Shiawkoun. Ces deux feuilles qui manquent… Ça veut dire quoi ?”

Elles avaient été arrachées tout récemment.

“Hum-hum. Remercie-moi : j’ai eu un mal fou à arrêter Naganaga. Elle a l’air de bien aimer le papier.”

“Elle en a fait quoi, de ces feuilles ?”, demandai-je.

“Elle les a mangées. Heureusement, ça l’a repue. Vois-tu, c’est du papier spirituel d’un arbre appelé le tambouk. Plus il vieillit, plus il renferme de ki. Hoho, je la comprends : un jour, un de mes ancêtres s’est endormi dans le sous-sol d’une bibliothèque sacrée gardée par des hauts-elfes. Quand il s’est réveillé, il s’est empiffré d’une étagère entière de tambouk…”

Je me rallongeai en soupirant. Ça allait être compliqué à expliquer.

— « Naganaga ? », fis-je en la voyant se remuer.

La fillette bâilla et tendit une main vers le cahier.

— « J’ai faim. »

Elle n’en avait pas eu assez ? J’écartai le cahier en soufflant :

— « Tu te rends compte, Naganaga, que tu es sur le point de devenir l’ennemi numéro un du Clan des Tang ? »

La petite fit une mine boudeuse et se leva quand je me levai, tendant une main insistante vers le cahier aux feuilles de tambouk.

— « Groa, groa ! », fit-elle en faisant de petits sauts.

— « Hé… On dit qu’un crapaud, ça saute dix fois pire qu’une grenouille, c’est donc vrai ? », badinai-je.

Naganaga arrêta de sautiller, son menton trembla et… elle se mit soudainement à pleurer bruyamment. Q-Quoi ?

“Méchant papa qui se moque de Naganaga”, fit Shiawkoun.

— « Méchant papa ! », sanglota Naganaga.

Merci, dragon divin, de lui apprendre à tourner le couteau dans la plaie…

— « N-Naganaga… »

Si elle continuait à crier comme ça, tous les officiers de police allaient débarquer en trombe dans le bureau de leur commandant… Je ne savais pas quoi faire. M’agenouillant auprès d’elle, j’ouvris le cahier, constatai que la dernière feuille était vierge et je l’arrachai.

À ce moment, Aroulyoun cligna des paupières en se redressant, puis il écarquilla les yeux et se leva d’un bond.

— « Il fait déjà jour ? Zangsa ! Que s’est-il passé ? »

Je tressaillis, la feuille du crime entre mes mains. Naganaga s’en empara et commença à la mâchouiller avec énergie, les yeux à nouveau emplis de détermination. Ces grosses larmes qui roulaient encore sur ses joues rougies… étaient-ce des larmes de crocodile ? Non, clairement, elle avait vraiment pleuré, mais…

“Hum-hum, on dirait que tu ne connais pas la spontanéité naturelle des enfants”, me dit le dragon divin.

Spontanéité… ? Shuyeh n’avait quasiment jamais pleuré, et jamais si fort. Attends, mon père ne m’avait-il pas dit un jour… ? “Si ton petit frère est si sage, c’est parce que tu as assez pleuré pour lui et toute la famille quand tu étais enfant, Zangsa, crois-moi.” Hum. Sans répondre à Shiawkoun, je gardai prestement le cahier sous ma tunique et dis à Aroulyoun :

— « Il paraît qu’on s’est tous endormis sous le coup de la fatigue. »

— « … Les trois en même temps ? »

— « On dirait bien. »

Mon ami me foudroya du regard.

— « Me prends-tu pour un idiot ? »

Je ne pouvais pas dire la vérité sans révéler la nature de Naganaga… J’essayai tout de même d’être le plus sincère possible :

— « Dans la Maison des Parfums, nos hôtes nous ont fait respirer de la faroule. C’est une plante intensément soporifique. Nos vêtements gardaient encore l’odeur d’encens. Ce bureau a dû s’emplir de ces résidus et, comme nous étions déjà tous fatigués, le sommeil nous a vaincus… Voilà tout. Ou bien penses-tu que je t’ai endormi pour cambrioler le commissariat ? », ajoutai-je, moqueur.

Ignorant ma pique, Aroulyoun jeta un regard à Izahi, toujours assoupie dans le fauteuil malgré le bruit. Avant de nous endormir, je lui avais expliqué que c’était l’une des survivantes de la Famille des Jardins, qu’elle travaillait dans la Maison des Parfums et que les circonstances m’avaient poussé à la sortir de là pour la protéger. Izahi avait alors protesté en disant que mon aide était tout sauf la bienvenue. Elle avait aussitôt voulu partir et je m’étais empressé de lui demander : “Es-tu au courant, pour les pilules orange ?”. Sa réaction troublée m’avait dévoilé qu’elle savait quelque chose mais aussi qu’elle ignorait au juste à quoi servaient ces pilules. À ce moment-là, Naganaga avait dû éjecter toute la faroule accumulée, car je ne me souvenais plus de rien.

J’entendis alors des bruits de bottes approcher et, sans crier gare, je pris Naganaga dans mes bras et fonçai vers la fenêtre ouverte. Manque de bol, Izahi se réveilla à cet instant et se leva d’un bond, me heurtant et s’écriant :

— « Bande d’assassins ! »

Fichtre. Quel genre de cauchemar avait-elle fait pour crier un truc pareil à son réveil ? La porte du bureau s’ouvrit à la volée.

— « Commandant ! Vous êtes là ! J’ai entendu des cris ! Est-ce que… ? »

Le jeune officier se figea, contemplant la scène. Puis…

— « Sergent Zihan », dit Aroulyoun. « Finis d’enfiler ton uniforme avant d’entrer dans mon bureau. »

— « Ah… Désolé, commandant. Mais j’ai cru entendre… Attends, cet homme… C’est ce damné chamane qui… ! »

Je sentis le regard noir d’Aroulyoun posé sur moi.

— « J’ai fait venir ces gens pour les interroger sur les événements d’hier soir. Ce sont d’importants témoins. Comment va la situation, au-dehors ? »

— « Euh… Vous n’êtes pas sorti de toute la nuit, commandant… ? Vous travaillez trop dur ! », s’exclama le jeune aux cheveux auburn, toujours torse nu. « Même Asrashé le Grand Stratège prit le temps de dormir sous les étoiles lors de l’assassinat de l’ancien Ministre du Rubis ! Commandant… »

— « Sergent Zihan », le coupa Aroulyoun. « J’aimerais bien que tu répondes quand je te pose une question. »

— « Ah… La situation au-dehors… Il y a déjà du monde qui fait la queue pour vous voir. J’ai cru entendre qu’hier soir, des bandes de voyous ont profité de la panique pour cambrioler des boutiques de la Grande Avenue. »

— « Quoi ? Qu’ont fait les patrouilles de nuit ? »

— « Quand elles sont arrivées sur place, les voleurs étaient déjà partis. Si seulement on avait plus de moyens, commandant… »

— « Comment vont Soras et Kanyoun ? »

— « Ils sont toujours chez Maître Martius, commandant », dit une voix derrière le sergent. C’était le capitaine Kwaroshi, l’officier enveloppé qui logeait mal dans son uniforme. Il portait une canne. S’était-il tordu le pied ? S’arrêtant près de la porte grande ouverte, il ajouta : « Leurs blessures ne sont pas critiques, mais, comme ils ont été blessés directement par le Dément Immortel, Maître Martius insiste pour les garder à l’écart pendant un mois. Si lui et sa brigade n’avaient pas été là, avec ce qui s’est passé au Hall des Soins, ça aurait été compliqué de trouver un guérisseur compétent. »

Maître Martius… Le nom m’était familier. Comme Aroulyoun s’enquérait de ses hommes et des nouveautés, je me répétai le nom et, brusquement, je me souvins. J’avais rencontré un des secrétaires de ce médecin à Shinziyah, il y avait plus d’un mois, et je m’étais entretenu avec lui dans la diligence en direction de Shinbi. Si ce docteur de Shinbi se trouvait à Osha, se pouvait-il qu’il s’agisse d’un des démonologues ayant prétendument participé aux expériences de l’Institut Impérial de Démonologie sur l’Île Azurée pour créer un remède anti-démon ? Ou bien n’était-il venu à Osha que pour embellir sa réputation ? À moins qu’il soit sincèrement venu pour guérir, mais… le capitaine avait-il dit « brigade » ? Se pouvait-il qu’il fasse partie de la brigade spécialisée dont avait parlé Aroulyoun ? Des démonologues venus repérer des possédés dans la rue… Cela ne me disait rien qui vaille.

— « J’aimerais également rendre visite à la famille de Minyok », disait Aroulyoun avec gravité. « Il avait une épouse et un fils, n’est-ce pas ? Capitaine, donne-moi son adresse. J’irai personnellement offrir mes condoléances dès qu’on se sera occupé de toutes les personnes qui attendent devant le commissariat. Dites à ceux qui ont été cambriolés de déposer leurs plaintes et qu’une enquête sera menée pour chaque crime. Envoyez-moi le reste ici dans un quart d’heure. »

— « Entendu, commandant », dit Kwaroshi, et il fit demi-tour en boitant.

— « Ah, capitaine : après cela, prends trois jours de repos. C’est un ordre. »

Kwaroshi ne se retourna pas, mais j’eus l’impression de voir ses épaules s’avachir quand il répondit :

— « Oui, commandant. »

Comme il s’éloignait, le sergent Zihan murmura :

— « Commandant… Le capitaine… Il m’a demandé de ne rien vous dire, mais, à propos de sa jambe… Maître Martius a dit qu’il n’allait probablement plus jamais pouvoir courir. Le capitaine Kwaroshi vient de se marier et sa femme attend un enfant. S’il venait à perdre son poste… »

— « Qui va donc lui enlever son poste pour une raison pareille ? », le coupa Aroulyoun. « Tous les officiers n’ont pas à courir après des voleurs. »

Les yeux du sergent Zihan brillèrent. Il ne put s’empêcher de sourire largement.

— « Je savais que vous diriez cela. Que les dieux vous protègent mille ans ! Vous êtes si infiniment meilleur que le commandant précédent… »

— « Une parole de trop et ce sera une réduction dans ton salaire, sergent. »

— « Ah… Désolé. Du thé pour le déjeuner, commandant ? »

— « Oui, s’il te plaît. Apporte trois tasses et des biscuits. »

Rien qu’en entendant le mot « biscuits », le visage de Naganaga s’illumina. Je l’avais posée par terre après ma tentative ratée de fuite et, pendant la conversation, elle s’était mise à faire le tour de la pièce puis s’était approchée d’Aroulyoun et du sergent. Dès que ce dernier s’en alla, Izahi déclara qu’elle partait. Et zut. J’objectai :

— « Tu sais que ta maîtresse n’est plus à la Maison des Parfums… »

— « Si elle me vire, tu me le paieras ! », répliqua-t-elle vertement. « Et je ne vais pas aller voir cette sorcière : je vais aller voir mon cousin ! »

Elle était confuse et en colère. Peut-être parce qu’elle ne comprenait plus bien la situation. Ou bien tout simplement parce que je l’avais kidnappée et transportée au commissariat. Après tout, si elle avait planifié une vengeance sanglante contre les Zobels pendant treize ans, elle avait de bonnes raisons de penser qu’un officier impérial l’enverrait directement aux cachots en tant que suspect après ce qui s’était passé la veille au Hall des Soins.

À mon haussement d’épaules, cependant, Aroulyoun ne la retint pas et la jeune femme sortit à grandes enjambées, l’air de vouloir courir plutôt que marcher. Quand le thé arriva, la troisième tasse alla naturellement pour Naganaga, qui la prit à deux mains comme s’il s’était agi d’un gobelet d’eau froide. N’avait-elle encore jamais bu de boissons chaudes ? La tasse était brûlante : sous le coup de la surprise, elle la lâcha en croassant et je m’empressai d’envoyer mon ki doré pour freiner la chute et empêcher que le thé ne gicle, puis j’attrapai la tasse. Mon action avait été si rapide que ni le sergent ni Aroulyoun n’eurent le temps de réagir.

— « Euh… Bons réflexes », fit Aroulyoun.

Sans un mot, Naganaga alla se réfugier sous mon fauteuil, l’air d’avoir eu une peur bleue.

“Elle va bien”, me rassura le dragon divin, “mais le thé brûlant lui a fait repenser aux incendies d’hier.”

L’oyonoki avait-elle développé une peur de tout ce qui brûlait ? Je secouai la tête. Elle n’était probablement pas la seule à avoir été traumatisée ce jour-là… Je pris un biscuit et le lui offris : elle s’en empara aussitôt, mais ne sortit pas de sa cachette.

— « Au fait, cette eau », dis-je au sergent avant qu’il ne reparte, « vous la sortez des puits, n’est-ce pas ? »

Zihan me jeta un regard peu amical.

— « On la sort du puits du commissariat. Pourquoi ? »

Elle était empoisonnée aux produits anti-démon comme l’eau du Pavillon des Herbes. Jusqu’alors, dans les tavernes, j’avais toujours bu de l’alcool, alors je n’y avais pas pensé, mais, si on désinfectait les puits de toute la ville depuis plus d’un an… Je secouai la tête.

— « Pauvres feuilles de thé. »

Le sergent me regarda comme si j’étais fou à lier. Sur un signe de tête d’Aroulyoun, il se contenta de faire claquer sa langue avant de nous laisser seuls. J’avais à peine expliqué le problème de l’eau à Aroulyoun et donné un deuxième biscuit à Naganaga, que le sergent revint en s’écriant :

— « C-Commandant ! Il y a un groupe de quatre personnes qui demandent à vous voir. L’un d’eux est… C’est un haut dignitaire ! »

Je haussai un sourcil. Un haut dignitaire ? Et mince. Ce n’était pas un ami du Prince Zorén, au moins… ?

— « Faites-les entrer », ordonna Aroulyoun en se levant.

Quand ils franchirent le seuil, je soufflai, incrédule, en les reconnaissant. Deux hommes de haute stature, l’un aux yeux bleus, l’autre aux yeux gris, l’un portant une robe exquise d’un bleu azur, l’autre un dumpa d’un blanc immaculé tissé de ki et brodés de nuages bleus : c’étaient le Prince Rajeyl et…

— « Irami ! », m’écriai-je joyeusement en quittant mon siège pour aller le recevoir. « Tu me cherchais, mon ami ? Tu t’inquiétais pour moi ? »

Avant que je ne puisse l’étreindre dans mes bras, Irami me présenta une boule rouge plumée.

— « Oh, Ayaïpa. »

— « Cousin ! », lança gaiement la poule, s’installant entre mes mains. « Arvian t’a localisé grâce au bracelet d’Irami ! On croyait que tu étais à nouveau dans les cachots, kokoko ! » Elle tendit le cou vers le bureau. « Bien le bonjour, Aroulyoun ! »

Je saluai Arvian, derrière Irami et le prince. Mon vieil ami chamane avait l’air fatigué mais content de me voir. À ses côtés, se tenait une femme portant un large chapeau en bambou entouré d’un voile. Ses habits, amples et légers, n’avaient rien d’extraordinaire, mais cette odeur rafraîchissante qui rappelait les flocons de neige… je la reconnus tout de suite. C’était celle de la Suprême des Glaces. Je n’en revenais pas. La Suprême des Glaces avait quitté le Croc pour venir à Osha ? Je soufflai :

— « Supr… ? »

“Elle agit en tant que simple garde pour l’instant”, me prévint Irami par voie mentale.

— « Ah… »

Avait-elle décidé de protéger personnellement le Prince Rajeyl ? Hum-hum. Ces deux-là étaient-ils tombés si follement amoureux l’un de l’autre ? Et elle voulait passer inaperçue… L’aura qui entourait la Suprême des Glaces était pourtant tout sauf ordinaire. N’importe quel cultivateur un peu perceptif pouvait savoir qu’il s’agissait d’une experte.

Le Prince Rajeyl me sourit puis salua Aroulyoun d’un geste de la tête.

— « À qui ai-je l’honneur ? », fit Aroulyoun, un sourcil froncé.

Le Prince Rajeyl leva sa paume et montra alors un emblème en or. C’était l’emblème impérial uniquement donné aux princes et princesses légitimes. Je le reconnus car Rajeyl me l’avait déjà montré, lors de notre séjour à la Secte des Glaces. Cet emblème de pouvoir ouvrait les portes de quasiment tous les lieux de l’Empire, qu’ils soient publics ou privés.

Aroulyoun eut l’air d’avoir été traversé par un spectre des glaces.

— « Votre… Altesse ? », bredouilla-t-il.

— « Je suis le Quatrième Prince Impérial, Rajeyl Ya Denshi. Je salue le commandant des polices d’Osha. »

Aroulyoun mit un genou à terre.

— « Cet humble serviteur de l’Empire présente ses respects au Prince Rajeyl. »

— « Abandonnons les formalités », proposa Rajeyl.

— « Je croyais qu’il avait décidé de renoncer à la vie mondaine », murmurai-je à Irami, assez fort pour que Rajeyl m’entende.

Le prince ajouta sans changer le ton bienveillant de sa voix :

— « J’aimerais parler avec le commandant en privé, si c’est possible, vénérable chamane. »

Autrement dit, il me mettait à la porte. Je soupirai, déçu.

— « Moi qui pensais que Son Altesse était expressément venue voir son bienfaiteur… »

— « Zangsa ! » Arvian me tira par le bras en chuchotant : « Sortons d’ici, d’accord ? »

Le jeune chamane aux cheveux couleur de paille avait l’air intimidé par le simple titre de prince. C’était logique. Contrairement à moi, il ne connaissait pas assez Rajeyl pour savoir qu’il n’était pas du genre à abuser de son pouvoir : après tout, c’était le Raconteur Impertinent, auteur des Poésies de l’âme.

Poussée par la curiosité, Naganaga était sortie de son refuge. Je lui pris la main et sortis avec Arvian et Irami, Ayaïpa sur mon épaule. Quant à la Suprême, elle resta auprès du prince, silencieuse dans son rôle de garde du corps.

Même le sergent Zihan fut congédié : comme nous descendions les marches menant à la cour, je remarquai son regard fixe posé sur moi et je lui lançai :

— « Un problème ? »

Le jeune sergent se troubla.

— « Ah… Aucun. C’est juste que… tu connais vraiment personnellement Son Altesse le Quatrième Prince ? »

J’eus un petit sourire moqueur.

— « Ha. Un damné chamane ne peut-il pas se lier d’amitié avec un prince ? »

— « Tu… » Il s’était arrêté pendant que nous traversions la cour du commissariat. Puis il s’écria, comme frappé d’une illumination : « Tu n’es pas un simple chamane, n’est-ce pas ? Tu es un Immortel ! »

Hé. Je levai la main pour faire mes adieux tout en pensant : Immortel ? J’ai failli mourir plusieurs fois dans ta ville, jeune Oshayen. Quand nous franchîmes le portail, je jetai un coup d’œil aux Oshayens qui, formant une file, attendaient patiemment d’être entendus par ce pauvre Aroulyoun, puis je demandai :

— « On n’attend pas le prince ? »

Irami secoua la tête.

— « On s’est donné rendez-vous au Bon Cassoulet. Séliel et Liuk nous y attendent. »

— « Lieliel est aussi à Osha ? », me réjouis-je.

— « Depuis deux jours. »

Le mercenaire du désert s’était finalement décidé à répondre à mon invitation, mais, s’il était accompagné de Liuk, sa venue était probablement liée à ces deux princes. Quoi qu’il en dise, il semblait s’être pris d’affection pour eux. Je regardai à nouveau Irami et observai que sa tunique avait été déchirée à plusieurs endroits. Ses blessures semblaient bénignes, heureusement. Son expression sereine m’emplit d’un calme familier et, un instant, je voulus marcher tout simplement à ses côtés, sans rien dire, sans rien demander…

— « Cousin », dit alors Ayaïpa. « Ça fait un moment que je me retiens, parce Séliel m’a dit que je parle trop, mais… qui est cette fillette que tu tiens par la main ? »

Arvian avait l’air tout aussi curieux. Irami l’était probablement aussi, même s’il ne le montrait pas. Je baissai le regard vers Naganaga et souris.

— « Vu la couleur de ses yeux, c’est clairement la fille d’Irami. »

— « Koa ? », s’écria Ayaïpa, faisant sursauter les passants alentour. « Irami a pondu un œuf ? »

Irami eut un léger tressaillement. Je m’esclaffai.

— « C’est ça ! Il a pondu un œuf avant toi, Ayaïpa. C’est ta défaite. »

— « C’est faux », soupira Irami.

— « Et puis, les humains ne sortent pas des œufs, Ayaïpa », intervint Arvian.

J’eus un large sourire.

— « Hoho. Dans ce cas précis, je n’en suis pas si sûr. »

Car, d’après le dragon divin, en tant qu’oyonoki, Naganaga était née dans un œuf, qu’une araignée avait dévorée avant d’être avalée par un crapaud. Comme la petite ne disait rien, peut-être intimidée par tant d’étrangers, j’ajoutai :

— « Elle s’appelle Naganaga. Le dragon divin l’a trouvée hier quand son esprit vagabondait dans les rues de la zone nord d’Osha. »

— « Le dragon divin… ! », souffla Arvian, les yeux illuminés. « Où est-il maintenant ? »

J’avais oublié que mon ami chamane était devenu un admirateur de ce dragon jaseur… Je fis une moue.

— « Ce prétendu sage a quitté son corps et est resté coincé entre la petite et moi. Il travaille toujours à essayer de résoudre son problème. »

Je marquai une pause sous leurs regards intrigués et expliquai brièvement la situation du serpent-sage. Puis je soulevai Naganaga dans mes bras sous les yeux fascinés d’Arvian, qui semblait déjà voir en elle son sauveur le dragon, et je dis :

— « Irami, parle-moi à présent de ce qui s’est passé dans les Cent-Pics. Si possible, avec tous les détails », insistai-je. Connaissant Irami, il était capable de résumer la plus longue des aventures en une seule phrase.

Ayaïpa leva une aile devant son bec et me chuchota :

— « Je peux l’aider, cousin : j’ai presque tout vu. »

Quoi ? La poule avait vu de ses yeux ce qui s’était passé dans le refuge des démons cultivateurs ? Au fur et à mesure qu’Ayaïpa racontait, je compris que Yelyeh avait complètement failli à ma requête d’emmener Ayaïpa, Arvian et Zom en lieu sûr. D’abord, la dragonne rouge avait rassemblé des bêtes-démons, puis elle avait pourchassé avec elles toutes les créatures empoisonnées aux pilules orange et espionné les membres de l’Alliance. Quand ceux-ci étaient restés bloqués dans la caverne de l’Œil Renversé, c’était aussi grâce à elle que les grandes bêtes-démons avaient travaillé ensemble pour débloquer le passage. Peu de temps après avoir évacué tous les cultivateurs, le refuge s’était totalement effondré, enterrant les cadavres d’une centaine de bêtes enragées, de trois Démons de Sang et d’une centaine de sbires fanatisés.

Les membres de l’Alliance avaient exprimé leur gratitude envers les bêtes-démons, et Yelyeh avait alors répliqué :

— « Si votre gratitude est sincère, faites un petit effort et finissez-en avec la source de ces pilules empoisonnées : si je revois une seule bête-démon enragée, je fais flamber toutes les Plaines Centrales comme il y a mille ans ! », caqueta Ayaïpa, répétant mot pour mot la menace de la dragonne. « Alors, le ciel nocturne s’est embrasé de rouge, et c’est là que tout s’est écroulé, comme si le Pic-des-Croix allait lui-même se fracasser le bec. »

— « Ma disciple n’a pas seulement une mémoire parfaite, elle a un penchant pour la poésie », la complimentai-je.

— « C’est vrai ?! », pépia la poule, réjouie.

Oui, et Yelyeh avait un penchant pour la théâtralité.

— « Mais continue, je te prie. »

— « Mm… Après ça, j’ai aperçu Misha. Ce petit oiseau n’osait pas s’approcher, mais j’ai quand même réussi à lui refiler mon message : c’était urgent de faire savoir à Ronce et aux autres que tout le monde était sain et sauf, tu comprends, ké. Ronce m’a complimentée, tu sais. »

Hoho. Je pariai que la note si concise de « Tout va bien » avait donné des maux de tête au vieux Joyeux…

— « Bien joué, cousine », lui dis-je, amusé. « Tu l’as écrit avec ton bec ? »

— « Tu as reconnu mon style ? », s’impressionna la poule, toute contente, puis elle s’assombrit et reprit : « Mais je n’ai pas terminé. Misha s’est envolé et le reste des bêtes-démons est parti, puis… Quand je faisais mes adieux à ton père, Arvian s’est rendu compte que Zom manquait. »

Je papillotai des yeux et m’arrêtai net en pleine rue.

— « Mm ? Tes adieux à… qui ? »

— « À ton père. Je l’ai rencontré. Et je l’ai présenté à Irami. N’est-ce pas, Irami ? »

Irami hocha calmement la tête.

— « Sa présence n’avait rien à envier au Dieu du Croc. »

— « N’est-ce pas ? », s’excita Ayaïpa. « Mais… c’est qui, le Dieu du Croc ? »

— « La légende dit qu’un renard spirituel légendaire vit sur le Croc des Glaces », répondit Arvian.

Mon jeune ami chamane s’était diablement vite adapté à l’idée que j’étais un hybride, fils d’un renard-démon. Mais quand je pensais qu’ils avaient vraiment rencontré mon père…

J’étais encore sous le choc. Voyant ma mine, Irami ajouta :

— « Zaïraba m’a demandé de te dire que tu es devenu la risée de tous les renards des Montagnes Perdues. »

Je pâlis encore davantage. Il savait, pour Ayaïpa. Yelyeh le lui avait sûrement dit devant toute une assemblée…

— « Je suis fini », expirai-je sur un ton moribond.

Les commissures des lèvres d’Irami tremblèrent légèrement. Ça le faisait rire ? Il ajouta :

— « Il m’a aussi dit qu’il espérait te revoir bientôt. Et que tu peux emmener ta disciple. »

Mon père voulait que je lui emmène Ayaïpa ? Il ne pensait pas la dévorer pour apaiser son choc émotionnel, si ? Il n’avait peut-être pas osé la manger devant Yelyeh, mais… il ne fallait pas sous-estimer les instincts d’un renard, ni son honneur. Qui sait, peut-être qu’il voulait couper court aux plaisanteries des impertinents se moquant de lui et de son fils hybride qui prenait une poule comme disciple… Bah. Je sautais aux conclusions. Je grommelai et chassai mes inquiétudes.

Intriguée par ma réaction, Naganaga ne me quittait pas des yeux. Je soupirai, puis je me remémorai la conversation et demandai :

— « Ayaïpa, tu as dit que Zom manquait ? Vous l’avez retrouvé ? »

À mon soulagement, la poule acquiesça.

— « Oui. Yelyeh l’a repéré grâce à son flair. Elle a dit qu’elle allait le mener en lieu sûr, et elle est partie. »

En lieu sûr, hein… Venant d’elle, ce n’était plus vraiment rassurant. Et, étant donné la réponse brève d’Ayaïpa, celle-ci n’avait pas vraiment vu Zom avant qu’il ne soit kidnappé par la dragonne. Le garçon avait-il eu une nouvelle crise ? S’était-il enfui pour ne pas causer de problèmes aux membres de l’Alliance et aux bêtes-démons venues les aider ? Je me souvenais nettement encore de son expression hagarde quand nous avions quitté l’Île Azurée. Sa rencontre avec le capitaine Youta semblait avoir fait ressurgir des souvenirs qu’il avait voulu enterrer. Bon, s’il était avec Yelyeh, où qu’il soit, j’étais sûr qu’il était entre de bonnes mains. En fin de compte, Yelyeh était la dragonne qui m’avait sauvé et recueilli sous son aile quand j’étais enfant.

Nous arrivions devant la taverne du Bon Cassoulet : ce n’était que le matin, mais l’établissement était bondé. Des gens déjeunaient et d’autres partaient déjà, chargés de sacs : certains étaient sûrement des Oshayens de la zone nord qui avaient été évacués la veille et retournaient à leur résidence.

“Zangsa”, dit Irami par voie mentale comme nous nous arrêtions pour laisser passer toute une famille, “Békap et Ak-Baé m’ont mis au courant, pour la Maison des Parfums, le Hall des Soins et, aussi, l’Île Azurée. Est-ce que tu as trouvé ce que tu cherchais ?”

Il voulait parler du Chaudron Astral, compris-je. J’acquiesçai.

“Yelyeh a dit qu’elle se chargerait du reste. Quant aux alchimistes, malheureusement…”

Soudain, quelqu’un posa une main sur mon épaule en lançant :

— « Zangsa ? »

Je me retournai, surpris. Une silhouette d’à peu près ma taille me faisait face. Elle portait un long manteau brun troué. De sous sa capuche, s’échappait deux mèches noires aux reflets verts. Elle avait le teint hâlé, une joue pansée et un œil recouvert d’un bandeau. Une Mendiante ? Ou alors…

Apercevant Naganaga dans mes bras et Ayaïpa sur mon épaule, elle retira aussitôt sa main, gênée.

— « Ah, désolée… Je t’ai pris pour quelqu’un d’autre. »

Comme elle me tournait le dos, je soufflai, à moitié sûr :

— « Lianli ? »

Elle s’arrêta net et me regarda à nouveau, incrédule.

— « Zangsa ? C’est vraiment toi ? »

Je savais qu’elle se trouvait à Osha et je m’étais mentalement préparé à la revoir, mais, à présent qu’elle était là, sous mes yeux, je ne pus m’empêcher de me souvenir de la jeune fille d’Elkesh qui ramassait des champignons avec moi et j’eus du mal à me convaincre que c’était vraiment elle. Elle avait tant changé ! Peut-être parce qu’elle avait appris à contrôler son ki de Serpent-Démon, ses cheveux avaient perdu leur couleur verte ; son œil à découvert était blanc et non plus vert ; son iris était, cependant, toujours rouge.

Ayaïpa émit un bruit de gorge étranglé.

— « Cousin », caqueta-t-elle dans un murmure, le regard allumé. « C’est Lianli ? Ton amie d’enfance ? C’est vraiment Lianli des Jard… ? »

De mon index, je fermai son bec avant qu’elle ne révèle l’identité de la jeune femme. Dans le brouhaha des conversations voisines, il était peu probable que quelqu’un l’entende, mais, mince… il ne manquait plus que l’histoire du Démon des Flammes Vertes refasse surface après treize ans.

Lianli partit d’un rire cristallin.

— « Après toutes les aventures que j’ai vécues, je ne pensais pas pouvoir m’étonner de voir une poule qui parle ! » Et elle frappa sa paume du poing en disant avec entrain : « Il est bon de te revoir, Zangsa ! »

Je souris. Il n’y avait, sur son visage, pas même l’ombre du désespoir et du chagrin qui l’avaient tenaillée les derniers jours avant notre séparation. Si elle me saluait à la manière du Murim, c’est qu’elle avait dû entendre par Lumyoun que, moi aussi, j’étais devenu un cultivateur. Je posai doucement Naganaga et rendis cérémonieusement le salut à mon amie d’enfance après treize ans d’absence. Puis je demandai par voie mentale :

“Suis-je, à tout hasard, en train de saluer la prochaine matriarche de la Secte du Poison ?”

Lianli haussa un sourcil et sourit.

“Tu paries ?”

Hé. Valshang, son maître, l’avait vraiment désignée comme héritière ? Cela voulait dire que Lianli était devenue une puissante cultivatrice au sein de notre génération. Certes, elle n’était pas encore connue dans le Murim, car la Secte du Poison faisait partie de la Faction Parallèle et était particulièrement discrète après sa quasi-extinction il y avait plus de vingt ans, mais…

— « J’ai entendu que tu as déjà un titre dans le Murim », ajouta Lianli à voix haute. « Je suis un peu en retard, mais, à partir d’aujourd’hui, je vais sûrement en gagner un, moi aussi. »

Elle m’adressa un sourire confiant qui me rappela un peu Yelyeh. « À partir d’aujourd’hui », avait-elle dit… Je m’inquiétai. Qu’avait-elle fait exactement ?

Une voix empreinte de méfiance demanda alors :

— « Lianli l’Impératrice des Poisons, c’est toi ? … Oh, Zangzang, tu es là, aussi ? »

C’était Békap. Je tiquai en entendant le titre que le Mendiant avait donné à Lianli. L’Impératrice des Poisons… Lianli avait-elle vraiment choisi un titre aussi pompeux ?

Derrière Békap, approchaient Ronce et Silensanse suivis de plusieurs Mendiants, dont le Vieux Duc. Et zut. Comment se faisait-il que ces deux figures du Murim aient affaire à Lianli… ?