Paso por los prospectos y los prólogos,
ya en diálogos se escriban o en monólogos;
mas por lo que no paso ni con bueyes,
con lo que no estaré jamás conforme,
por más que mi opinión sea falta enorme
que a quien me lea enoje o atribule,
es con que el escritor, al dar informe
de su obra, servil se congratule
antes con el lector, que disimule
con su palabra lo que trae en mente;
que le dé excusas; que taimadamente
le engañe, y sobre todo que le adule.
¿A qué empezar con tal hipocresía,
de piropos llenándole y de flores,
y vendiendo modestia y cortesía,
cuando el autor más bárbaro confía
en que su libro encante a los lectores?
¿A qué dar a quien lee nombres bonitos,
y fingirle amistad y hacerle honores,
que no han de mejorar nuestros escritos?
–Carísimo lector– esto es mentira:
el autor casi nunca le conoce,
y maldito el cariño que le inspira,
ni se le importa de que rabie o goce.
–Respetable lector– esto es bajeza,
miedo a que le critique o le destroce
con satírica lengua. –Lector sabio–
esto es una sandez, una torpeza
del corazón servil, a quien el labio
traición hace imprudente. Por de pronto
puede el que abre su libro ser un tonto;
puede ser, además, un hombre bueno,
leal, de buena fe, de orgullo ajeno,
que se conozca bien y tome a agravio
tal vez, o a burla, que le llamen sabio;
y, al leer, con justísimo desprecio,
diga del escritor: –¡Valiente necio!
–Benévolo lector, lector preclaro,
lector benigno– esto es pedir amparo,
indulgencia, perdón: y para eso,
vale más que el que escribe diga claro
que se mete a escribir porque es avaro
o pobre, y que va a ver si gana un peso.
Porque el hombre de fe, conciencia y seso,
que la verdad expone, o que critica
el vicio torpe, o que al social progreso
cree que con sus escritos contribuye,
no se excusa, no adula, no suplica,
no en siervo del lector se constituye,
no pide indulto, ni perdón, ni amparo,
como si cometiera algún exceso;
si dice la verdad, dígala claro;
su libro haga en conciencia y sin reparo;
en lo que diga en él téngase tieso.
El que tema la crítica, que viva
siempre en la oscuridad y que no escriba;
pero si escribe con razón, que tenga
fe en ella; que a la luz su libro arroje
y a soportar la crítica se avenga
del que juzgar su libro se le antoje.
Al que tiene talento verdadero
no le ahoga la crítica: le venga
de la mordacidad, de la malicia,
de la envidia de un Zoilo el mundo entero:
y la posteridad le hace justicia.
Si se funda la crítica en razones,
corríjase juicioso y reconozca
la exactitud de tales correcciones.
Ninguno es infalible; mas si al paso
le salen con mezquinas objeciones
o con indecorosas invectivas,
ni de éstas ni de aquéllas haga caso.
La sátira mordaz, las diatribas
prueban claro que aquel que las escribe,
las hace con rencor o con envidia;
y quien con odio o con envidia vive,
él la pena mayor es quien recibe,
pues con sus viles sentimientos lidia;
y el que de nimiedades se apercibe,
muestra, a más de que al público fastidia,
su mezquindad y sus instintos bajos,
y que, en su instinto ruin, mordiendo, vive,
a los que van delante, los zancajos;
gozque que, con risible impertinencia,
sale audaz a ladrar la diligencia.
Así se piensa ya en el siglo nuestro;
que, a los pasados sin hacer agravio,
por ser más viejo que ellos, es más sabio
y en verdades sociales más maestro;
y en él comienzan a saber los hombres
que Dios a los nacidos hizo iguales;
que la excelencia no consiste en nombres,
ni uniformes, ni títulos banales,
sino en la rectitud de la conciencia.
La dignidad la da la inteligencia,
los pensamientos nobles, los servicios
prestados del común de los mortales
a la existencia universal, la ciencia,
la humanidad, el celo y la creencia,
que contribuyen a extirpar los vicios
y a mejorar del hombre la existencia.
En este siglo liberal, los hombres
que no abren su alma a sentimiento bajo,
no buscan más Mecenas que el trabajo;
no se abaten a títulos, ni a nombres;
no se echan, como turcos, boca abajo.
El hombre de pudor, el hombre digno,
si no sabe hacer más, suda en el tajo;
que, hecho con fe y honor, nada hay indigno;
pero no se envilece, no se humilla,
ni ante ídolos mortales se arrodilla,
ni se arrastra a los pies del poderoso,
ni adula al que gobierna y al que manda,
ni se aviene a servicio vergonzoso
por oro, por favor, bastón, ni banda.
El trabajo da pan, si no riqueza;
y como presta honor, y honor demanda,
más vale pan ganado con nobleza,
lecho de paja y choza de corteza,
que palacio dorado, cama blanda
y millones logrados con bajeza.
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Passons, les prospectus et les prologues,
qu'ils soient écrits sous forme de dialogue ou monologue ;
mais ce que je ne puis supporter davantage,
ce avec quoi je ne puis jamais être d'accord,
même si mon opinion est peut-être une terrible erreur
qui rend furieux et afflige le lecteur,
c'est que l'écrivain, dans le préambule
de son écrit, servile, se félicite
au préalable auprès du lecteur, qu'il dissimule
avec ses mots ce qu'il a derrière la tête ;
qu'il lui demande de l'excuser ; que de façon cachée
il le trompe et, surtout, qu'il le flatte.
Pourquoi commencer avec une telle hypocrisie,
le cribler de caresses et de flagorneries,
prendre des airs modestes et moult courtoisie,
alors que l'auteur le plus barbare a bon espoir
que son livre séduise les lecteurs ?
Pourquoi couvrir de jolis noms celui qui lit,
feindre amitié et lui faire mille louanges
qui n'amélioreront pas nos écrits ?
—Mon cher lecteur— ceci n'est qu'un mensonge:
il est bien rare que l'auteur le connaisse
maudite soit l'affection dont il s'inspire,
peu lui importe si le lecteur s'amuse ou s'il enrage.
—Respectable lecteur— ceci est preuve de bassesse,
crainte que celui-ci le critique ou le brise
par des propos satiriques. —Lecteur sage—
ceci n'est que fadaise et maladresse
venant d'un cœur servile, que la voix
trahit imprudemment. Car, qui sait,
celui qui ouvrira son livre peut être un niais ;
mais il peut être aussi un homme honnête,
loyal, de bonne foi et sans orgueil,
qui se connaissant bien, peut voir un outrage
ou une raillerie si on le qualifie de sage;
et, en lisant, avec un mépris bien justifié,
peut-être dira-t-il de l'écrivain: —Sacré nigaud !
—Lecteur bienveillant, lecteur illustre,
lecteur aimable— ceci est pour demander protection,
indulgence et pardon : et, pour cela,
il vaut mieux que celui qui écrit dise bien clair
qu'il écrit parce qu'il est ou bien avare
ou bien pauvre, et qu'il tente sa chance pour gagner un sou.
Car l'homme de foi, conscience et raison
qui expose la vérité ou qui critique
le vice malavisé ou qui croit contribuer
par ses écrits au progrès de la société
ne s'excuse pas, n'adule pas, ne supplie pas,
il ne se place pas sous l'aile du lecteur,
ne demande ni grâce, ni pardon, ni protection
comme s'il commettait un quelconque excès ;
s'il dit la vérité, qu'il la dise bien claire ;
qu'il écrive son livre sans peur et en conscience ;
et, quoi qu'il y dise, qu'il s'en tienne à ses propos.
Celui qui craint la critique, qu'il vive
toujours dans l'ombre et qu'il n'écrive pas ;
mais s'il écrit avec raison, qu'il ait
foi en elle ; qu'il sorte son livre au grand jour
et qu'il supporte la critique à venir
de tout un chacun qui ait envie de critiquer.
Celui qui possède un vrai talent
ne se laisse pas engloutir par la critique: que vienne
le monde entier des esprits mordants,
de la malignité, de l'envie d'un Zoïle :
et la postérité lui rend justice.
Si la critique a un fondement de raison,
que l'écrivain corrige sagement et reconnaisse
l'exactitude de telles corrections.
Personne n'est infallible ; mais s'il arrive
qu'on lui lance des objections mesquines
ou des invectives de mauvais goût,
qu'il ne fasse nul cas de tout cela.
La satire mordante, les diatribes,
prouvent bien que celui qui les écrit
est empli de rancœur ou d'envie ;
et qui vit dans la haine ou dans l'envie,
celui qui reçoit le plus grand tourment c'est lui,
car il doit lutter contre ses vils sentiments ;
celui qui attaque par quelques bagatelles
non seulement il gêne le public,
mais il montre aussi qu'il a un esprit bas et mesquin
et que, suivant son bas instinct, il vit en mordant
les talons de ceux qui vont devant ;
chien aboyeur qui, ridicule et impertinent,
ose sortir aboyer après la diligence.
C'est ainsi que pense notre siècle ;
qui, sans vouloir insulter les siècles passés,
comme il est plus vieux qu'eux, est plus sage
et bien plus maître des vérités sociales ;
et dans ce siècle les hommes commencent à se rendre compte
que Dieu fit de tous des êtres égaux depuis leur naissance ;
que l'excellence n'a rien à voir avec les noms,
les uniformes ou les titres banals,
mais avec la rectitude de notre conscience.
La dignité lui insuffle l'intelligence,
les pensées nobles, les services
rendus par le commun des mortels
à l'existence universelle, à la science,
à l'humanité, au zèle et à la croyance
qui contribuent à extirper les vices
et à améliorer l'existence de l'homme.
Dans ce siècle libéral, les hommes
qui n'ouvrent pas leur esprit à des sentiments bas,
ne cherchent d'autres Mécènes que le travail ;
ne courent pas après titres ou noms ;
ne s'aplatissent pas sur le ventre comme les turcs.
L'homme de pudeur, l'homme digne,
s'il ne sait pas faire davantage, vit de la sueur de son front ;
il n'y a rien d'indigne dans le travail s'il est fait avec foi et honneur ;
mais l'homme ne s'avilit pas, ne s'humilie pas,
il ne s'incline pas devant les idoles mortelles,
il ne se traîne pas aux pieds du puissant,
il n'adule pas celui qui gouverne et ordonne,
il n'accepte nulle tâche rabaissante
ni pour de l'or ou des faveurs, ni pour un sceptre ou une couleur.
Le travail apporte le pain, à défaut de richesse ;
et comme il rend l'homme honorable, et que l'honneur est fier,
mieux valent du pain gagné avec noblesse,
une paillasse et une chaumière d'écorce,
qu'un palais doré, un lit bien doux
et des millions perçus avec bassesse.
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