Accueil. Cycle de Shaedra, Tome 8: Nuages de glace

14 Murmures dans l’obscurité

À peine une heure après qu’un Ashbinkhaï satisfait fut reparti vers son foyer, suivi de son escorte, nous quittâmes le Mausolée d’Akras sous un soleil hivernal. Après avoir pris congé de Barsh et de Nara, Maoleth nous rejoignit à la limite de cet endroit lugubre. Près de lui, sa chatte aux yeux verts avançait silencieusement.

— En avant, la compagnie ! —nous dit joyeusement l’elfe noir.

Nous nous mîmes en marche, nous dirigeant droit vers l’est, selon les indications de Maoleth. Lorsque Spaw, curieux, lui avait demandé comment il pensait traverser le Tonnerre, il s’était mis à rire et avait répondu, l’air mystérieux : “Fais-moi confiance, je suis encore plus rusé que Lieta, ce qui n’est pas peu dire !” Personne n’émit la moindre objection : après tout, c’était lui l’expert de la région.

Je ne pouvais éviter de me demander pourquoi Maoleth avait accepté de nous accompagner. Il était évident qu’Ashbinkhaï avait réussi à le convaincre, d’une façon ou d’une autre. Mais Maoleth, malgré ses airs de vieux renard, n’avait rien d’un aventurier et je me demandai que diables pouvait lui avoir promis Ashbinkhaï en échange. Cela devait être quelque chose d’important. Quant à la présence de Chayl, c’était encore plus surprenant. Selon le dédrin enthousiaste, Ashbinkhaï l’avait nommé messager, ce qui signifiait, si j’avais bien compris, qu’il se chargerait d’avertir Ashbinkhaï de notre marche épique.

Nous mîmes un jour et demi pour atteindre le Tonnerre. Tandis que nous avancions, évitant toute sorte de grange ou de présence saïjit, Kwayat continua avec persévérance à me donner des leçons sur le sryho ; néanmoins, mes pensées dérivaient de temps en temps vers des sujets plus préoccupants. Je ne pouvais cesser de penser à Syu et à Frundis. Je devais les récupérer et je devais avertir Aryès de ce qui m’était arrivé et lui dire que j’étais toujours vivante… Pourtant, je doutais que mes autres compagnons de voyage comprennent mes arguments et me permettent de revenir à Ato. Excepté Spaw, peut-être.

Dès que nous aperçûmes le fleuve qui descendait, froid et tonitruant entre la neige, Maoleth et Lieta s’arrêtèrent et l’elfe noir prit la direction du sud. Nous nous retrouvâmes rapidement à marcher de bosquet en bosquet. Au début, la prudence dont tous faisaient preuve me parut un peu exagérée, mais je compris bientôt qu’effectivement, cette zone que nous traversions n’était pas sûre pour des démons, et encore moins pour un groupe avec un elfocane couvert de furoncles et une terniane à la peau changeante.

— Je commence à comprendre ta tactique pour traverser le Tonnerre —marmonna Spaw, tout en marchant—. Nous allons passer par le pont d’Ato, n’est-ce pas ? Comme de bons saïjits, pas vrai ?

Je levai les yeux, avec espoir, et Maoleth souffla, amusé.

— Ce n’est pas très original —avoua-t-il—. Mais du calme, mon garçon, je connais une personne qui nous facilitera la traversée pour être sûrs que tout se passe bien.

Kwayat plissa les yeux.

— À quelle communauté appartient cette personne ? —s’enquit-il.

Maoleth pencha la tête et échangea un regard badin avec Lieta.

— À celle de la Terre.

— Mmpf —se contenta de répliquer Kwayat.

Je compris qu’ils parlaient des communautés de démons. D’après ce que m’avait dit Kwayat, le Démon de la Terre, Kuasat, d’une famille moins prestigieuse, n’était pas considéré comme un Démon Majeur, mais il inspirait le respect. Peu à peu, alors que nous avancions silencieusement, les histoires, quelque peu oubliées, sur les démons qui fondaient leurs propres communautés me revinrent en mémoire. Plongée dans mes pensées, je trébuchai sur une racine enterrée sous la neige et je retrouvai mon équilibre en grommelant. Nous approchions de la sortie du bois, remarquai-je. Et le ciel commençait à s’assombrir.

— Nous devons être à une heure ou moins d’Ato —dit Maoleth. Soudain, j’entendis un bruit de pas sur la neige et je me tapis contre un tronc, alertée. Les autres aussi avaient entendu, mais ils ne réagirent pas aussi dramatiquement que moi. Askaldo se contenta de mieux replacer son voile et de tirer sa capuche pour mieux cacher ses traits. Après une seconde d’hésitation, je l’imitai, ignorant complètement quel aspect je pouvais bien avoir et si j’étais présentable ou non.

Après un léger silence, Maoleth avança de quelques pas et laissa échapper un petit rire.

— C’était un lièvre —dit-il simplement.

Lorsque nous le rejoignîmes, je compris pourquoi il avait parlé au passé : un loup solitaire, filait et disparaissait à l’instant même entre les arbres, emportant le lièvre dans sa gueule.

— Nous allons attendre que la nuit tombe tout à fait —déclara Maoleth, se tournant vers nous—. Après, je vous conduirai chez Naé Ril-de-Ya.

Naé Ril-de-Ya, me répétai-je. Son nom ne me disait rien. En tout cas, ce n’était ni une habituée du Cerf ailé ni une personne connue à Ato. Mais évidemment, existait-il à Ato un démon connu dans la société saïjit ?

— Et le loup ? —demanda Chayl, quelque peu appréhensif—. Peut-être qu’il y en a d’autres.

Askaldo, complètement dissimulé sous sa capuche et son voile, émit un bruit qui avait tout l’air d’un rire.

— Mon cher cousin, si les loups te font peur, ce n’est pas la peine que tu continues ce voyage. Allez, va avertir ton instructeur que tu as vu un loup !

Tout signe de crainte disparut de l’expression de Chayl Calyhéi Ashbinkhaï, remplacé par la colère, lorsqu’il se vit traité de froussard.

— Mon cher cousin —grogna-t-il, sarcastique—. Les loups ne me font pas peur.

— Vraiment ? —répliqua l’elfocane, une pointe d’amusement dans la voix.

— Ils ne m’ont jamais fait peur —affirma Chayl, avec orgueil—. Et les renégats comme Driikasinwat ne m’ont jamais fait peur non plus.

Spaw, près de moi, se racla la gorge.

— Ces chers cousins promettent —me chuchota-t-il, assez fort pour que tous puissent l’entendre.

— Ils vont nous gâcher le voyage —complétai-je tranquillement—. En plus, n’importe quel singe gawalt sait que la peur est le premier allié d’un guerrier et que le courageux ne fait pas de vieux os. Mon maître de har-kar me le disait toujours —soupirai-je, sur un ton théâtral.

— Tout le monde n’a pas la chance d’avoir un singe gawalt pour maître —railla Spaw.

Chayl nous foudroya du regard, l’air de se demander si nous nous moquions de lui. Avant qu’Askaldo ou Chayl ne répliquent, Maoleth intervint :

— Les cousins vont se calmer. Et l’attrape-couleurs aussi. Et toi, Spaw Tay-Shual, ne sème pas la zizanie.

— Tu as dit attrape-couleurs ? —m’écriai-je, incrédule.

— Oui, je parlais de toi —affirma Maoleth, en roulant les yeux—. Comme je le disais…

— Par curiosité, d’où sors-tu ce mot ? —l’interrompis-je, intriguée. Je ne me sentais pas du tout insultée ; je dirais même que le mot m’allait comme un gant, mais il avait réveillé en moi d’agréables souvenirs et je voulais m’assurer de quelque chose.

Maoleth arqua un sourcil, surpris par ma question.

— Eh bien… c’est précisément Naé Ril-de-Ya qui m’en a parlé. Il s’agit d’un jouet pour peindre des couleurs harmoniques.

Je fis un grand sourire, amusée à la pensée que même les démons avaient entendu parler des inventions du célèbre Dolgy Vranc.

* * *

Je me dissimulai derrière un arbre et je jetai un coup d’œil aux alentours. Ato était plongée dans le brouillard et on apercevait à peine ses lumières. Nous nous trouvions dans la partie boisée au nord de la ville, près de la rivière, car, selon Maoleth, Naé Ril-de-Ya vivait juste au nord du pont de pierre.

— Par ici —dit la voix de Maoleth. Sa silhouette s’estompait entre les ombres et la brume—. Vite —murmura-t-il.

Nous le suivîmes tous et nous sortîmes du bois, parcourant la rive enneigée du fleuve. Tout semblait être paralysé et gelé, excepté le Tonnerre, qui descendait infatigable et constant vers l’océan Dolique.

Maoleth nous guida entre les arbustes qui, au milieu du brouillard, ressemblaient à de grands monstres. Nous étions entourés de petits jardins lorsque Maoleth nous fit brusquement signe de nous arrêter et de nous baisser. Alarmée, j’obéis et je regardai autour de moi avec appréhension. On entendait des bruits de pas sur la neige. Emmitouflés dans leurs capes rouges, deux gardes d’Ato passèrent à quelques mètres de distance. Je retins un soupir de soulagement quand ils s’éloignèrent sans jeter le moindre coup d’œil dans notre direction. Quelques minutes plus tard, nous entrions dans une pièce sombre qui sentait le bois.

— Attendez ici —nous dit Maoleth, avant de disparaître par une petite porte.

Dans l’obscurité, je vis Spaw avancer au milieu des bûches que l’on gardait dans la pièce. Pendant que nous attendions patiemment, Askaldo ôta son voile pour s’appliquer un onguent blanc sur le visage, comme si cela pouvait l’embellir. Kwayat demeurait immobile comme une statue et Chayl, assis sur un rondin de bois, fredonnait tout bas une chanson.

— Qu’est-ce que tu chantes ? —demandai-je, intriguée.

Chayl releva brusquement la tête et interrompit sa mélodie.

— Oh. Je chantais Terre maudite —répondit-il.

— C’est une chanson très connue de Sherathul, un érudit —m’expliqua Kwayat, en rompant le silence—. Elle parle de la guerre entre les démons et les saïjits.

Alors, d’une voix profonde, Askaldo entonna la chanson en tajal :

Sréda bien aimée !
Par tant de vices brûlée,
Haines des temps ancestraux,
Si tu entends mon histoire,
Puissent nos héritiers
Ne jamais l’oublier !

J’écoutai la chanson, fascinée et convaincue que jamais je n’oublierais le ton mélodieux et dramatique d’Askaldo. Sherathul considérait les saïjits comme des frères traîtres et sans-cœur, à jamais châtiés par la Sréda pour leurs méfaits. Mais il condamnait aussi les agissements des démons qui avaient participé à la guerre. Combien de milliers d’années pouvait avoir cette triste histoire ?, me demandai-je, tandis qu’Askaldo terminait une strophe sur une note interrogative très bien réussie.

À cet instant, la porte par laquelle avait disparu Maoleth s’ouvrit et une petite silhouette apparut, une lanterne à la main. Je clignai des yeux et je vis que son visage jaunâtre et légèrement ridé était parcouru par une longue cicatrice qui semblait avoir été causée par quelque produit acide. Décidément, il nous arrivait de ces malheurs, à nous, les démons…

— Bonjour —dit-elle posément, tout en s’avançant.

Elle nous examina de ses yeux pénétrants et rougeoyants, tandis que nous lui répondions poliment. Maoleth, derrière elle, avait l’air sombre, tout comme Lieta, et je me demandai si Naé Ril-de-Ya avait refusé de nous aider à traverser le pont. Je plissai les yeux, pensive. Et si Naé était en fait au service de Driikasinwat et avait découvert nos intentions ? Je réprimai un sourire : ça, ce serait vraiment de la malchance.

— Suivez-moi, mes enfants —dit finalement la hobbit, après nous avoir dévisagés—. Aujourd’hui, vous ne traverserez pas le pont. C’est truffé de patrouilles.

En entendant ses paroles, j’ouvris de grands yeux.

— Truffé de patrouilles ? —laissai-je échapper, abasourdie—. Nous sommes en hiver. Normalement, il n’y a pas trop d’attaques.

La hobbit haussa les épaules et s’enveloppa mieux dans son châle noir… Alors, je la reconnus. Elle était souvent au marché et vendait des bougies de litzen et des onguents. Elle n’était pas herboriste, mais les gens achetaient ses articles parce qu’ils étaient bien moins chers que ceux de Tyemina l’Herboriste.

Nous la suivîmes jusqu’au second étage de la demeure. Lorsque nous fûmes dans le salon, Naé Ril-de-Ya jeta une autre bûche dans le feu de la cheminée et se tourna soudainement vers moi.

— Truffé de patrouilles —acquiesça-t-elle, reprenant ma question—. Il y a deux semaines, les corps de deux chasseurs saïjits ont été trouvés à un jour d’Ato seulement. On a d’abord cru qu’ils étaient morts de froid mais, après, les choses ont changé. Du bétail a commencé à disparaître des granges avoisinantes, et même des bijoux et des objets de valeur. Ensuite la nouvelle est parvenue à Ato : un groupe de fées noires avait fui Éshingra pour se diriger vers Ato et le Mahir a commencé à remplir les granges de gardes.

Son explication me consterna. J’inspirai profondément et je tentai de me calmer. Des fées noires, pensai-je. D’après le docteur Bazundir, les fées noires étaient une communauté de yédrays, connue pour ses méfaits ; malheureusement, les gens traitaient indifféremment tous les yédrays, les associant tous aux fées noires. Or, les yédrays utilisaient le kershi, une énergie paria que j’avais, moi aussi, étrangement utilisée de manière instinctive pour communiquer avec Syu.

— Je ne vous recommande pas de vous diriger vers Éshingra —ajouta finalement la hobbit, en observant nos réactions de ses petits yeux vifs—. Pas plus tard qu’hier, j’ai reçu une lettre d’un ami qui vit à Ombay. Il dit que les Communautés sont sur le pied de guerre. Sans parler des fées noires et des brigands qui attaquent les chemins.

Je haussai un sourcil. Alors comme ça, les démons non plus n’aimaient pas les fées noires… Je réprimai un soupir et je décidai que cela ne valait pas la peine de se préoccuper pour ça. Qui, à part Syu, Bazundir et moi, savait que j’utilisais le kershi ? En plus, qui diable était capable de reconnaître une fée noire ? Sûrement des gens avertis comme le docteur Bazundir, c’est-à-dire, très peu de gens.

Après avoir écarté mes préoccupations personnelles, je m’aperçus du problème réel qui nous cernait : des fées noires qui ne semblaient pas très sympathiques rôdaient à l’est du Tonnerre et Naé Ril-de-Ya souhaitait que nous ne nous précipitions pas vers des Communautés en guerre.

Après avoir écouté quelques instants la conversation sur les nouvelles d’Éshingra, je me recentrai sur des pensées qui requéraient mon attention de manière plus immédiate : je devais trouver Frundis et Syu. Je m’agitai, inquiète, entendant sans écouter les paroles des autres.

— Euh… —murmurai-je, anxieuse.

Je fis une moue, en m’empourprant légèrement… mais étais-je même capable de rougir ?, me demandai-je soudain. Je me rendis compte alors que Spaw m’observait, un sourcil arqué, et je me raclai la gorge.

— Eh bien… —dis-je, hésitante, et je m’approchai de Spaw pour lui dire à voix basse— : Je dois récupérer Frundis et Syu.

Spaw me jeta un regard moqueur.

— Cela me semble une idée magnifique —répliqua-t-il—. Mais peut-être que les autres n’en pensent pas autant —ajouta-t-il—. À ta place, j’attendrais —me dit-il, en baissant encore davantage la voix—. Nous n’allons pas traverser le pont aujourd’hui et nous sommes tous fatigués de tant de marche dans le froid.

Je compris ce qu’il prétendait et j’acquiesçai, en me détendant. Peu après, Naé Ril-de-Ya nous trouva à tous une place pour dormir : elle mit Chayl, Askaldo et Spaw dans une toute petite chambre, Kwayat et Maoleth dans une sorte de débarras et, à moi, elle m’indiqua une chambre près de la sienne, d’aspect relativement confortable.

— Tu as des couvertures dans l’armoire —me dit-elle, tandis que j’entrais, me rendant compte que la chambre était plus grande que celles des autres réunies. À quoi se devait tant de distinction ?, me demandai-je, tout en joignant les mains en signe de remerciement.

— Merci pour ton accueil, Naé Ril-de-Ya —prononçai-je.

Un sourire illumina le visage de la hobbit.

— Cela doit te paraître étrange d’être à Ato et de dormir ailleurs qu’au Cerf ailé —commenta-t-elle.

J’ouvris la bouche, mais je la refermai et je me contentai d’acquiescer. Ma gorge s’était nouée en pensant à Kirlens et à Wiguy. Pourrais-je un jour les revoir sans qu’ils me regardent comme un être étrange à la couleur mutante ? Bien sûr, Kirlens et Wiguy s’y feraient peut-être : tous deux étaient assez ouverts, malgré leurs manies. Mais si ma mutation empirait, comme cela était arrivé à Askaldo avec ses piquants, peut-être qu’alors ils ne s’habitueraient pas aussi bien, me dis-je.

Naé Ril-de-Ya avait envie de bavarder et, tandis que nous faisions le lit, elle me raconta sa vie et ses occupations avec une volubilité qui me stupéfia. Elle ne me demanda à aucun moment pourquoi ma peau changeait de couleur et elle n’essaya pas non plus de me soutirer la raison pour laquelle nous voyagions vers Éshingra… De même, elle ne dit rien non plus lorsqu’elle me vit, une demi-heure plus tard, descendre par le toit de la resserre en bois. Avant de sauter dans la rue, j’aperçus son visage illuminé par une bougie, souriant derrière sa fenêtre, comme si mon comportement ne la surprenait pas.

Je me fondis dans une brume d’harmonies et je commençai à parcourir les rues avec prudence. Le brouillard n’était pas aussi dense qu’avant, mais suffisamment pour que personne ne puisse me voir depuis les tours de vigie. Lorsque j’arrivai à la Pagode, je me dissimulai aux yeux d’une patrouille qui s’était arrêtée pour parler à un orilh. Je glissai discrètement vers la rue du Rêve et je me faufilai au travers des ruelles de la ville, me dirigeant directement chez Aryès.

La menuiserie était fermée par un grand cadenas. Les alentours étaient plongés dans le silence. Je bondis, j’agrippai une saillie et je grimpai jusqu’à la fenêtre d’Aryès. Le rideau était tiré et l’on ne voyait rien. Après une légère hésitation, je levai une main et je frappai un coup. Je ne voulais pas créer d’ennuis à Aryès, mais je devais récupérer Frundis et Syu, me dis-je, décidée.

J’attendis, je frappai un autre coup, puis un autre, jusqu’au moment où j’entendis enfin un craquement à l’intérieur. Cependant, il ne provenait pas de cette chambre, mais de celle d’à côté. Une tête aux cheveux bleutés apparut à la fenêtre de cette dernière et je m’immobilisai brusquement, proférant un juron silencieux.

— Aryès ? —demanda la petite voix de Zéladyn, la sœur du kadaelfe.

Je retins un soupir et je considérai combien la situation était absurde : pourquoi Zéladyn appelait Aryès par la fenêtre ? À l’évidence, parce qu’Aryès n’était pas dans sa chambre, déduisis-je, embêtée. Se pouvait-il qu’il me cherche encore avec le capitaine Calbaderca ? C’était une possibilité.

Malgré le froid, Zéladyn mit cinq minutes à refermer sa fenêtre. Je contournai la maison et, une fois dans la rue, je m’arrêtai derrière un escalier de pierre, songeuse. Si Aryès n’était pas chez lui, se pouvait-il qu’il ait emmené Frundis et Syu ? C’était très probable, me dis-je.

J’étais en pleine réflexion lorsque je vis une silhouette s’approcher de la menuiserie. Il passa à quelques mètres de moi et, tout à coup, il se mit à léviter. Je ne pus m’en empêcher : je laissai échapper un léger rire, soulagée de le revoir. En m’entendant, Aryès se retourna brusquement en pleine lévitation, il perdit l’équilibre, mais réussit à se rétablir à temps et à atterrir plus ou moins posément sur la neige.

Je voulus me redresser ; cependant, je m’arrêtai en plein mouvement. Mille doutes tourbillonnèrent dans ma tête, mais, finalement, j’avançai sur la neige.

— Euh… —dis-je, en me raclant la gorge, tandis qu’Aryès cherchait du regard. Le bruit l’alarma et, enfin, ses yeux bleus m’aperçurent—. Salut, Aryès. Hum. C’est moi, Shaedra.

Aryès se précipita vers moi et me dévisagea. Il siffla entre ses dents.

— Que… ? Que t’est-il arrivé ? —demanda-t-il, la voix tremblante.

Je fis une moue, comprenant que mon aspect l’avait passablement impressionné.

— Ce n’est pas aussi sublime que les marques noires, hein ? —répliquai-je, en essayant d’adopter un ton léger.

— C’étaient donc les démons, pas vrai ? —demanda-t-il.

— Euh… —Je jetai des coups d’œil inquiets autour de moi—. Il vaudra mieux ne pas parler de ça tout de suite. Où sont Syu et Frundis ?

— Oh… Chez Dol —répondit Aryès.

Je le regardai fixement.

— Tu leur as dit, au sujet des… ?

— Non ! —me tranquillisa aussitôt Aryès—. Quoique… —Je plissai les yeux, suspicieuse—. Je crois que Dol soupçonne que je lui cache quelque chose. Mais bon —il souffla, en secouant la tête et en souriant largement—. En tout cas, ça, je ne m’y attendais pas. Et dire que le capitaine Calbaderca te cherche toujours. Bon… que t’est-il arrivé exactement, Shaedra ? —demanda-t-il, en me regardant, l’air gêné—. La couleur de ta peau… c’est à cause des harmonies ?

J’ôtai un gant et j’observai que ma main avait pris une couleur noire légèrement rougeâtre. Je jetai un coup d’œil sur le ciel et, sans la moindre surprise, je constatai que la Bougie brillait doucement derrière les nuages nocturnes, rougissant la nuit. Je pris un air de martyr et je renfilai le gant.

— Je ne suis pas toujours de cette couleur. Tu comprends, c’est à cause d’une potion —expliquai-je. En le voyant arquer un sourcil étonné, je me raclai la gorge—. Allons chercher Syu et Frundis et après je t’explique tout. Ne restons pas là —insistai-je, sachant que, si l’on disait à Dumblor que les murs avaient quatre oreilles, ceux d’Ato n’en avaient pas moins.

Le kadaelfe secoua la tête, comme s’il essayait de s’imaginer que diable il pouvait m’être arrivé pour que ma peau pâle de terniane ait autant changé.

— Allons-y —déclara-t-il cependant.

Nous nous dirigeâmes en silence vers la maison du semi-orc, évitant deux patrouilles. Le brouillard s’était complètement levé, ce qui ne facilitait pas les choses. À peine arrivés dans la rue de Dol, nous entendîmes des aboiements derrière nous et nous échangeâmes des regards atterrés.

— Des chiens de la Garde d’Ato —soupira Aryès—. J’aurais dû me douter qu’ils les sortiraient cette nuit…

— Par ici —dis-je vivement. Je passai par-dessus une grille et j’atterris dans le jardin d’une des maisons. Aryès lévita jusqu’à moi et nous courûmes à travers le jardin jusqu’au mur de la maison contiguë. Mais les aboiements, au lieu de se calmer, redoublèrent.

— Il y a des fées noires dans la zone —me dit Aryès dans un murmure—. Et la nuit passée, une fée noire a volé une poule. Peut-être qu’elle est revenue et qu’ils la poursuivent.

— Oui, eh bien, ils se sont trompés de piste —grognai-je, en voyant un des chiens flairer près de la grille.

— J’ai une idée —déclara Aryès.

Il m’exposa son plan à voix basse et nous grimpâmes sur le mur. Aryès me prit par la taille et nous lévitâmes jusqu’au mur suivant sans laisser d’autres traces qu’une légère perturbation énergétique. Cela suffirait pour égarer les chiens.

Trois maisons plus loin, nous arrivâmes dans un jardin plein de bric-à-brac : il y avait des morceaux de métal, de grandes roues et des piquets en bois, des caisses contenant toutes sortes de matériaux sous un abri précaire…

— À présent nous savons où il entrepose le matériel pour ses jouets —soufflai-je, impressionnée. Dolgy Vranc ne nous avait jamais invités à voir son jardin et je compris alors clairement pourquoi : cet endroit était un véritable danger.

— Je savais bien que Dol ne fabriquait pas que des jouets —commenta Aryès, tandis qu’il lévitait prudemment en esquivant les objets qui, de fait, n’étaient pas précisément très recommandables pour des enfants.

Je tendis l’oreille. Les chiens s’étaient calmés, mais ceci, au lieu de me tranquilliser, m’inquiéta. Avaient-ils fini par trouver cette fée noire dont m’avait parlé Aryès ? Avec une extrême prudence, j’avançai dans le jardin et nous parvînmes sains et saufs à la porte arrière de la maison de Dol. Sans plus attendre, je sortis un morceau de métal de mon pantalon et je le mis dans la serrure sans prêter attention à l’expression stupéfaite d’Aryès.

— Tu vas entrer avec ça ? —demanda-t-il, hésitant.

— Si Dol me voit et s’aperçoit que ma peau change sans cesse de couleur… Je devrai tout lui expliquer —dis-je, sur un ton rationnel.

— Je ne trouve pas que ce soit un problème de tout lui expliquer —répliqua patiemment Aryès—. Dol ne te trahirait pas.

Je haussai les épaules.

— Peut-être. À moins qu’il ne pense que je ne suis pas Shaedra mais un monstre mutant. En plus, malheureusement, je n’ai pas assez de temps pour de longues conversations —ajoutai-je, tandis que la porte cédait.

L’intérieur était dans l’obscurité complète. M’imaginant soudain que, là aussi, il y avait des objets dangereux, je lançai un sortilège de lumière harmonique et je jetai un coup d’œil autour de moi. Aryès referma la porte, en secouant la tête. Sans aucun doute, il désapprouvait ma conduite. D’accord : ce n’était pas correct d’entrer de cette façon chez des amis, mais était-il plus convenable de dire à Dol et à Déria sans aucune explication que j’emportais Frundis et Syu et que je ne reviendrais pas pendant un bon bout de temps ? Bien sûr, je pouvais aussi leur expliquer que j’étais un démon et que je me rendais à l’Île Boiteuse pour essayer de sauver Akyn et Aléria et un démon alchimiste. Et pour les tranquilliser encore davantage, je pouvais leur dire de ne pas se préoccuper, car je serais accompagnée par cinq autres démons très sympathiques, parmi lesquels se trouvait un certain Askaldo Ashbinkhaï, fils unique du Démon Majeur de l’Esprit. Peut-être qu’ils seraient même compréhensifs et reconnaîtraient que ma mutation n’était pas si terrible… Je réprimai un soupir. Définitivement, c’était une mauvaise idée, me dis-je.

— Par curiosité, nous allons rester ici longtemps ? —demanda Aryès, une pointe moqueuse dans la voix. Il s’était appuyé contre la porte et m’observait, franchement amusé de me voir hésiter autant.

Je passai une main sur ma tête, embarrassée ; alors, Aryès tressaillit.

— Ta peau est devenue verte ! —haleta-t-il.

Je roulai les yeux et j’acquiesçai de la tête en voyant la toile verte qui était suspendue au mur derrière moi.

— Je t’ai déjà dit qu’elle change de couleur. Il s’agit d’une mutation de la Sréda.

— Causée par une potion —poursuivit Aryès avec une moue pensive. Et il esquissa un sourire railleur—. Tu ne l’as pas bue en croyant que c’était du jus mildique, par hasard ?

Je grognai.

— Penses-tu. Cette fois, je savais ce que je faisais.

“Les gawalts, nous ne tombons pas deux fois de suite dans le même piège”, observa alors une voix dans ma tête.

J’eus du mal à réprimer une exclamation de joie en voyant apparaître Syu près de moi.

“En théorie”, ajouta celui-ci, tandis qu’il grimpait sur mon épaule et me montrait un grand sourire de singe.

“Syu ! Par Nagray, tu ne sais pas combien tu m’as manqué !”, lui dis-je sincèrement.

Syu remua la queue et observa :

“Vu ton aspect, je devine que tu as fait une bêtise quand je n’étais pas là…”

Je pris un air innocent.

“C’est possible”, concédai-je.

Mais je n’eus pas le temps d’ajouter quoi que ce soit, parce qu’alors une lumière aveuglante illumina la chambre et je reculai rapidement vers la porte.

— Mille sorcières sacrées… —murmurai-je.

Une grosse main verdâtre écarta la toile verte et l’énorme visage de Dolgy Vranc apparut, illuminé par une lanterne. D’un coup, tous mes espoirs de ne pas le réveiller tombèrent à l’eau.

— Shaedra. —Le souffle du semi-orc résonna grave et profond et j’eus l’impression qu’il m’avait lancé un rugissement menaçant. Il porta les mains sur ses hanches et il fronça ses épais sourcils, tout en m’examinant—. C’est toi ?

Je lui rendis son regard, muette de saisissement. Cette chambre… c’était la chambre de Dol !, compris-je, épouvantée, en me rendant compte que l’identificateur avait pu écouter la conversation depuis le début.

— C’est moi… —prononçai-je, étourdie, les yeux rivés sur les traits plissés de Dolgy Vranc.

— C’est elle —affirma Aryès, en s’approchant—. Eh bien, Dol. Je ne savais pas que cette chambre était la tienne.

— Et moi, je ne savais pas que Shaedra était aussi verte que moi —répliqua le semi-orc, encore méfiant.

— Oh, dieux —murmurai-je, en me sentant honteuse. Je me pinçai nerveusement les joues et je laissai échapper, confuse— : Dol, euh… excuse-moi d’être entrée chez toi sans avertir. Je suis pire qu’un Ombreux…

Mes paroles illuminèrent le visage du semi-orc, qui éclata de rire et ouvrit ses grosses mains pour me serrer dans ses bras.

— Pour l’amour de Ruyalé, tu es vivante ! Un moment, quand je t’ai entendue ouvrir la porte, j’ai pensé que tu étais cette fée noire qu’ils recherchent —Il rit—. J’avais même préparé mon arbalète au cas où.

Son arbalète ?, me répétai-je, en pâlissant. Dol s’écarta de moi, en me regardant dans les yeux, comme pour s’assurer qu’effectivement, je n’étais pas une fée noire.

— Je crois que j’ai deviné tes intentions —poursuivit-il—. Tu voulais entrer chez moi sans me déranger, reprendre Frundis et Syu et t’en aller tranquillement, hein ?

— Basiquement —acquiesçai-je, gênée.

— Oui, théoriquement c’était son plan —affirma Aryès.

Je lui lançai un regard foudroyant et il me répondit par un sourire innocent. Il semblait se réjouir que nous ayons réveillé Dol.

— Hum —Le semi-orc se racla la gorge—. Et pour mener à bien ton plan, tu passes par le jardin et tu entres dans ma chambre en forçant la serrure, petite voleuse ? —Il secoua la tête, moqueur, tandis que je faisais une moue d’excuse—. En réalité, tu n’étais pas sur la mauvaise voie —ajouta-t-il. Il posa la lanterne sur une table de nuit et s’inclina derrière sa toile verte. Il réapparut, Frundis entre les mains.

Je pris le bâton, un peu tremblante en me souvenant comment je l’avais abandonné dans la neige après que Garkorn m’avait blessée avec son épée… Je perçus alors une lente mélodie de flûte. Frundis dormait.

“Alors, c’est qui l’ours lébrin, maintenant ?”, plaisanta Syu, espérant sans doute que Frundis se réveillerait en grommelant. Mais la tranquille mélodie fut seulement traversée par une brève note de violon discordante avant de reprendre son rythme posé.

— Merci, Dol —dis-je, profondément reconnaissante—. Merci d’avoir pris soin de Frundis et de Syu.

“Beuh !”, protesta le gawalt, en s’agitant sur mon épaule. “Je sais prendre soin de moi tout seul, je n’ai besoin de personne. Mais j’avoue que Dol fait d’excellents biscuits”, ajouta-t-il, l’air moitié gourmand moitié coupable.

Je plissai les yeux, jetant au singe un regard soupçonneux tandis que Dol secouait la tête et me disait que cela ne l’avait aucunément dérangé.

“Ne me dis pas que tu as passé ton temps à te goinfrer de biscuits !”, fis-je au singe.

“Bon, j’ai aussi voyagé à ta recherche, avec le capitaine et Aryès, dans la neige et le froid”, se défendit Syu. “Je méritais au moins une boîte comme celle de l’oncle Lénissu remplie de bananes.”

“Ou de biscuits”, rétorquai-je, railleuse, en lui donnant de petites tapes sur le ventre.

Dolgy Vranc se racla la gorge. Il venait de s’asseoir dans une sorte de fauteuil de forme étrange et il m’examinait les yeux plissés.

— À vrai dire, je ne croyais pas que tu reviendrais —m’avoua-t-il—. Tout semblait indiquer que… —il toussa brusquement—. Bon. Sais-tu qui sont ceux qui t’ont attaquée ?

Je détournai le regard de ses yeux inquisiteurs. Je n’avais prévu aucune histoire crédible et je n’avais pas non plus envie de mentir. Mais je ne pouvais parler de démons à Dol. Pas maintenant, alors que je n’avais pas le temps de lui expliquer que les démons, en général, n’étaient pas si mauvais. Je me rendis compte que ma main, dans ma poche, jouait nerveusement avec les Triplées et je fis un effort pour me calmer.

— Peut-être que ce n’est pas le meilleur moment pour parler de ça —intervint Aryès—. Nous aurons plus de temps demain…

— Non —soupirai-je—. Demain, je pars d’Ato.

Dolgy Vranc souffla.

— Demain ? Mais tu viens juste d’arriver ! Enfin… tu ressembles de plus en plus à Lénissu, jeune kal. Je suppose que tu ne voudras pas non plus me dire où tu vas. Ne te tracasse pas —ajouta-t-il, sans me laisser répondre—, ne me dis rien. J’ai déjà trop de secrets dans ma vieille tête et cela fait longtemps que j’ai compris que parfois il est plus simple de réfréner sa curiosité. —Il pencha la tête et ajouta— : néanmoins, je reconnais que je suis intrigué. On t’attaque, on te capture, tu disparais et tu réapparais à Ato des semaines plus tard comme si de rien n’était.

J’esquissai un sourire.

— Dit comme ça, cela semble quelque peu mystérieux —concédai-je.

Le semi-orc sourit. Mon silence semblait davantage l’amuser que le contrarier.

— Quelque peu —acquiesça-t-il—. Surtout que le jour même où tu as disparu, deux de ceux qui t’accompagnaient en sortant des Souterrains ont également disparu. Shelbooth et Manchow.

J’arquai un sourcil, interdite.

— Shelbooth et Manchow ?

— Je me doutais que c’était une simple coïncidence —raisonna Dolgy Vranc. Je remarquai toutefois une certaine surprise dans sa voix—. Les Épées Noires vous ont cherchés partout. Ils n’ont rien trouvé, bien sûr. Les tempêtes de neige ont effacé toute trace.

— À vrai dire, je crois que les Épées Noires commencent à en avoir assez de l’hiver de la Superficie —observa Aryès.

Je me souvins alors de Kaota. La bélarque devait en avoir par-dessus la tête de moi encore plus que de l’hiver, soupirai-je. Quant à Shelbooth et Manchow… Où pouvaient-ils être allés ? Puis il me vint une autre question plus préoccupante : combien de temps s’était-il donc écoulé depuis que j’étais sortie de chez Naé Ril-de-Ya ?

— Je dois partir —déclarai-je, brusquement, sans logique apparente.

Le regard préoccupé qu’échangèrent Dol et Aryès ne me passa pas inaperçu.

— Alors sortons —décida Aryès, en remettant sa capuche.

Dol soupira, mais acquiesça de la tête.

— Quel que soit ton problème, il a l’air grave. J’espère que ce n’est pas Lénissu qui t’a créé des ennuis, parce que généralement ses problèmes sont de ceux qui te poursuivent jusqu’à la tombe. Attends un moment —dit-il soudain en se levant—. J’ai quelque chose qui te sera peut-être utile.

Il disparut derrière la toile verte et j’entendis un son métallique de clé, suivi d’un grincement. Je lançai un regard interrogateur à Aryès, mais celui-ci semblait aussi intrigué que moi. Alors Dol réapparut, un objet entre les mains et je m’esclaffai.

— Ne voyage jamais sans ta propre corde —récitai-je théâtralement.

— Ce n’est pas n’importe quelle corde —répliqua Dolgy Vranc—. Comme ça, elle semble fine, mais ne t’y fie pas. C’est une corde d’ithil. Une corde elfique. Elle pourrait supporter un dragon rouge —m’assura-t-il, en me la tendant.

Je frémis en entendant parler de dragons rouges. Finalement, ne disait-on pas que l’Archipel des Anarfes était peuplé de dragons. Or, c’était là que je me dirigeais.

— Je doute beaucoup que j’aie besoin d’attacher un dragon —plaisantai-je. Cependant, je pris la corde et j’embrassai le semi-orc pour le remercier et lui dire au revoir.

— Tu es sûre que je ne peux pas t’aider davantage ? —demanda alors Dol, avec toute la douceur dont était capable un semi-orc.

Je fis non de la tête et j’avalai ma salive.

— Alors, va là où tu dois aller —conclut-il—. Et débarrasse-toi de ce maléfice qui change la couleur de ta peau.

Je souris et, tandis que Dolgy Vranc prenait congé d’Aryès, je sortis dans le jardin. Il n’y avait plus de brouillard et le ciel était dégagé. Autour de la Bougie, mille étoiles scintillaient, froides et distantes.