Accueil. Les Pixies du Chaos, Tome 4: Destruction
« Ce qui brille au bout du tunnel n’est pas une illusion : c’est de l’espoir. »
Sirigasa Moa, Le dragon s’est trompé de proie
* * *
— « Et, moi, je faisais mes premiers pas comme médiateur, quand, brusquement, Drey m’a mordu la langue, » raconta Kala. « Et peu après, les Moines du Vent nous ont servi un plat immangeable, je lui ai demandé de me passer le sel, et ce flemmard ne voulait pas me le passer. Il n’a pas le sens du goût. »
Rao et Jiyari éclatèrent de rire. Je poussai un profond soupir. Les trois Pixies babillaient comme des pies depuis plusieurs heures déjà avant le dîner. Kala avait la langue déliée : il lançait sans vergogne tous nos échanges mentaux et nos petites querelles. Et il le faisait avec un plaisir évident.
— « Il s’est fait Moine du Vent parce qu’il ne voyait pas de raisons de ne pas le faire, » ajouta-t-il en se moquant. « Et puis, à Doz, pendant qu’il faisait un duel de bataille rocale avec un saïjit, des types armés sont entrés dans la pièce et ils nous ont menacés et défendu d’aller au Temple de Yaraé, et Drey… il a eu une de ces peurs ! Heureusement qu’il a ce Datsu, parce que, sinon, il serait mort d’une crise cardiaque… »
Il rit de bon cœur et continua :
— « Et le pire, mes frères : même maintenant que je suis en train de me moquer de lui, il ne se fâche pas. Il se sent exaspéré, mais comme s’il pensait : quel gamin, ce Kala qui prend sa revanche après m’avoir tant supporté. Pas vrai, Drey ? »
“Fiche-moi la paix.”
Kala fut pris d’un fou rire et il frappa la petite table basse de son poing en disant :
— « Et il me chipe mes répliques en plus ! »
“Ce n’est pas ta réplique : beaucoup de gens disent ça,” lui assurai-je avec patience.
Rao secouait la tête, amusée.
— « Arrêtez de vous jeter des fleurs, » nous réprimanda-t-elle. Son front se plissa d’inquiétude. « Tu dis que les Yaragas sont venus vous menacer jusqu’à Doz ? Ils ont changé plus que je ne le craignais, » murmura-t-elle.
J’acquiesçai mentalement.
“Ils voulaient protéger les Gemmes de Ya…”
— « C’est moi qui lui explique, » me coupa Kala. « Le saïjit avec qui on faisait le duel, il avait été engagé par la Guilde pour retirer les Gemmes de Yaraé du temple et les emporter à Dagovil. »
Rao grimaça et acquiesça de la tête.
— « Ça, je l’ai appris il y a quelques jours. Les Yaragas du Temple ont été assiégés et ils ont… »
Kala et moi ouvrîmes grand les yeux en la voyant hésiter et une rage sourde s’empara de Kala, déchaînant mon Datsu.
— « La Guilde les a massacrés ? »
Rao fit non de la tête et déglutit, soudainement pâle.
— « Non… Apparemment, quand ils ont vu qu’ils allaient se retrouver sans eau, ils se sont sacrifiés au dieu Lotus… et ils ont scellé les Gemmes. »
L’atmosphère de la pièce se chargea de désolation et d’incrédulité. Les croyants Yaraga du temple… s’étaient suicidés ?
— « Ils ont scellé les Gemmes… Que veux-tu dire par là ? » murmura Jiyari, livide.
Rao grimaça de nouveau.
— « Ces gemmes ont servi autrefois à créer des magaras de guerre. En particulier… elles ont servi à créer les colliers des dokohis. »
Je ne fus pas surpris. Si cette relique avait été utilisée pour la guerre, étant si proche de la Forêt de Liireth, il n’était pas étonnant que Lotus l’ait utilisée lui aussi.
— « Alors, c’est vraiment notre Père qui les a fabriqués, » murmura Kala.
— « Mm, » acquiesça Rao, embarrassée. « C’était une autre époque. Lotus et moi, nous ne voyions alors que notre objectif : récupérer Boki et Roï. »
— « Boki et Roï ? » dirent en même temps Kala et Jiyari, déconcertés.
— « Je croyais que seul l’un de nous avait été volé, » dit Jiyari.
Rao baissa des yeux assombris vers Samba, le chat noir, qui venait de s’installer sur ses jambes croisées. Elle lui caressa les oreilles tout en expliquant :
— « Tous les deux ont été volés par un agent de la Guilde deux ans avant que ne commence la guerre de la Contre-Balance. Mais leurs larmes n’ont pas été emportées au même endroit. Cinq ans après le début de la guerre… nous sommes tombés sur un des laboratoires où ils gardaient Roï. Sa larme avait été modifiée et son esprit s’effilochait. Ni Lotus ni moi, nous ne savions si nous serions capables de le réincarner dans un corps. » Ses yeux flamboyèrent, se rappelant l’angoisse vécue. « C’est alors que Zarafax, un ami à nous, s’est offert pour l’emmener et le sauver. Il a dit qu’il connaissait une énergie capable de le maintenir en vie. »
Zarafax, me répétai-je. C’était le celmiste dont m’avaient parlé les Stabilisateurs de la Forêt de Liireth. Celui qui était parti chercher le Miroir du Paradis. S’en souvenant lui aussi, Kala demanda :
— « Il l’a sauvé ? Avec ce miroir ? »
— « Quel miroir ? » s’étonna Rao. « Oh… Tu veux parler du Miroir du Paradis ? » Ses lèvres s’étirèrent légèrement. « Ça, ça n’existe pas, Kala. C’est une légende. Non, Zarafax est parti en disant qu’il sauverait Roï. Et il n’est pas revenu. »
Il y eut un silence. Rao ignorait donc comme nous si ce Zarafax avait réussi à sauver la vie de Roï… La Pixie sourit.
— « Mais je suis sûre qu’il est vivant. Pas vous ? »
La conviction surgit dans le cœur de Kala comme une flamme, et Jiyari et lui acquiescèrent. Mar-haï. Qu’il était facile de croire, pensai-je. Rao se rembrunit.
— « Cependant… nous ne savons pas où ils sont, ni lui, ni Boki… ni Tafaria. Elle, je l’ai réincarnée dans une nurone. Elle a dit qu’elle voulait vivre dans l’eau. Vous savez bien combien elle aimait nager… »
Tous trois sourirent, se rappelant, et je vis l’image fugace d’un lac cristallin où se reflétaient des nuages blancs et où une jeune fille suspendue à une corde attachée à la branche d’un arbre tapait des pieds dans l’eau en criant toute heureuse : je nage ! Je nage, Père !
— « Son rêve de nager est devenu réalité, » murmura Kala, enthousiasmé.
— « Oui… Mais, maintenant, elle est sûrement dans un village sous-marin de la mer d’Afah, et comment diables s’y rendre sans branchies, » soupira Rao.
— « Et Boki… » chuchota Jiyari, les lèvres tremblantes.
— « Il est vivant lui aussi, » affirma Rao avec force, levant les yeux. « Il est vivant. »
Une autre croyance bien ancrée, devinai-je.
“Et ces Gemmes de Yaraé ?” intervins-je. “Tu dis qu’elles ont été scellées, je ne sais pas ce que tu veux dire par là, mais si la Guilde les emporte, est-ce que cela signifie qu’ils ont l’intention de fabriquer des colliers de ce genre eux aussi ?”
Rao fronça les sourcils.
— « Je n’en sais rien. Mais, pour cela, ils auraient besoin non seulement de grands bréjistes mais aussi d’une réserve d’esprits manipulables comme ceux utilisés pour les colliers de la guerre. Enfin… ils pourraient fabriquer des magaras tout aussi terribles en employant d’autres techniques que nous ignorons. Ces gemmes sont une relique très puissante. Mais elles requièrent de l’énergie interne pour créer des tracés durables. Les Yaragas du Temple ont donné leur énergie vitale pour sceller les Gemmes. Je ne sais pas comment ils l’ont fait, mais c’est ce qu’on raconte dans les hautes sphères de la Guilde. »
Je frémis. Les Gemmes de Yaraé avaient besoin de jaïpu, de l’énergie interne… autrement dit, de vie. D’une certaine façon, les Yaragas du temple avaient sacrifié leur vie pour « sceller » les Gemmes… Cela signifiait-il qu’elles ne pourraient plus être utilisées ?
“Et Lotus s’en est servi durant la guerre ? Toi, les as-tu utilisées ?”
Rao inspira.
— « Je les ai utilisées. Je ne dis pas que ce que j’ai fait était bien. Je dis seulement… qu’alors, je ne raisonnais pas de la même façon. Je ne connaissais pas aussi bien les saïjits. Je les haïssais de tout mon cœur. Je les haïssais… » Le chat noir s’agita et la regarda dans les yeux. « Mais ma dernière réincarnation et les souvenirs de la petite fille… m’ont changée. Je crois. Je ne suis pas… la même Rao qu’autrefois, » avoua-t-elle.
Kala l’observa attentivement. Il dut comprendre que le fait de s’être réincarnée dans une fillette de quatre ans n’avait pas été sans conséquences, il dut comprendre que Rao craignait que le fait d’avoir changé affecte la confiance de Kala… car il sourit et dit :
— « Moi non plus, je ne suis pas le même Kala qu’autrefois. Mais je t’aime comme avant. J’ai confiance en toi comme avant. Je veux être près de toi comme avant. Si tu souhaites la même chose… c’est que nous n’avons pas changé tant que ça. »
Les yeux bleus de Rao brillèrent à la lumière de la lanterne qui éclairait la chambre.
— « Tu ne sais pas à quel point j’avais besoin d’entendre ces mots, » reconnut-elle.
Il y eut un silence chargé d’émotion. Alors, Jiyari leva l’index.
— « Si moi, qui ai presque tout oublié de notre passé, je suis toujours un Pixie, alors, vous aussi, vous l’êtes. N’en doutez pas. Et maintenant, Rao… Nous avons dit que nous allions relâcher les Ragasakis avant le dîner. Pourquoi tarder plus longtemps ? »
Aussitôt, Kala se redressa en entendant parler des Ragasakis. Les avait-il oubliés avec tant de bavardages ?, soufflai-je. Rao grimaça.
— « À ce que j’ai compris… ils sont au courant pour les Pixies. »
Kala arqua les sourcils.
— « Et alors ? »
— « Comment ça, et alors ? » souffla Rao, roulant les yeux. « Nous ne pouvons pas les relâcher sans être sûrs qu’ils ne vont pas nous trahir. Si la Guilde apprend que nous sommes toujours vivants… elle nous poursuivra une nouvelle fois pour nous tuer. Tu ne le comprends pas ? »
— « Je le comprends, » assura Kala, affligé. « Je le comprends… Mais les Ragasakis ne vont pas nous trahir. Ce sont nos amis. Libère-les, Rao. Parle avec eux et libère-les. »
Je le félicitai silencieusement.
— « Que je parle avec eux ? » Rao soupira. « Je les ai déjà interrogés. Je ne les ai pas maltraités, mais je ne leur ai pas non plus donné l’impression d’être une amie, Kala. Et Zélif se méfie de moi plus que tout autre. J’ignorais que tu t’étais autant attaché à eux en si peu de temps, » admit-elle.
Nous nous regardâmes dans les yeux. Et elle soupira à nouveau, souleva le chat noir et le posa par terre avant de se lever avec souplesse.
— « C’est bon. Venez avec moi. Je vais leur parler. »
La Pixie avait troqué sa robe pour un pantalon moulant et une simple tunique noire et elle me fit alors penser à une acrobate de foire. Elle saisit en passant sa corde à sauter blanche et dorée et l’attacha autour de sa taille avant d’ouvrir la porte de sa chambre. Nous la suivîmes. Nous passâmes devant deux Couteaux Rouges qui nous suivirent à leur tour d’une démarche sûre de bandits aguerris. L’un d’eux était l’archère qui nous avait parlé dans la ruelle. Celle qui ne ratait pas une flèche. La sorcière l’avait appelée Chihima… Quand, Kala et moi, nous croisâmes ses yeux bleus, nous y vîmes tant de froideur que nous frissonnâmes tous les deux en même temps. Kala plissa les yeux et l’ignora, se tournant pour descendre les escaliers. Au rez-de-chaussée, Rao s’arrêta devant une tapisserie ornée de motifs de lierre, de païskos aux ailes déployées et de baies de zorfs biens rondes. L’archère s’avança, écarta la tapisserie et découvrit une porte dissimulée. Elle sortit une grosse clé et ouvrit.
— « Tu vas les libérer, rohi ? »
Je contins un souffle en l’entendant utiliser l’appellation que les habitants des Cités de l’Eau réservaient exclusivement aux grands prêtres et aux sages sacrés. Rao disait que les Couteaux Rouges les considéraient Melzar et elle comme des demi-dieux, mais… diables, le croyaient-ils vraiment ?
— « Les amis de Kala sont mes amis, Chihima, » dit Rao. Elle lui sourit. « Ne t’inquiète pas. Je m’assurerai qu’ils ne posent pas de problèmes. »
L’autre Couteau Rouge passa le premier avec une lanterne. Chihima entra en dernier. Les marches étaient étroites et hautes et nous avancions prudemment. En arrivant en bas, je crus apercevoir la petite silhouette de Tchag avant qu’elle ne disparaisse entre les barreaux d’une cellule, vers les ombres. Le Couteau alluma une autre lanterne, plus grande, qui éclaira l’endroit, y compris la cellule. Je pus voir sans problème les cinq Ragasakis. Ils s’étaient levés en nous entendant et Livon lança, plein d’espoir :
— « Drey ! »
Kala laissa échapper un murmure de léger reproche :
— « Ils n’ont même pas de paillasse, ni d’eau, ni rien à manger. Rao… »
— « Ils ne sont là que depuis un jour, » le coupa-t-elle sur un ton léger. « Allons ! Ne fais pas cette tête. Ils peuvent bien supporter ça quand même, pour nos retrouvailles… »
— « Ce n’était pas nécessaire. Si tu leur avais demandé de me dire que tu étais à Arhum, je serais venu te voir. »
Tous deux se regardèrent. Alors Rao sourit.
— « Les Couteaux Rouges, nous avons des méthodes sûres. » Elle se tourna vers les Ragasakis et leva une main. « Désolée de vous avoir causé des désagréments. Kala, Jiyari et Drey disent que vous êtes leurs amis, alors je vais vous libérer. »
— « Enfin ! » se réjouit Livon.
— « Il était temps, » grommela Saoko.
Le drow avait la même mine lasse que d’habitude, et les mêmes cheveux électrifiés. Je me demandai que diables il faisait lui aussi dans la cellule. Est-ce que Rao enfermait automatiquement tous les inconnus ?
— « Avant que vous ne partiez, je pense que je te dois une explication, Zélif, » ajouta Rao.
La faïngale broncha à peine. Elle fit un pas en avant vers les barreaux en disant :
— « Ça serait bien, en effet. Si tu es bien la même personne qui a engagé mes parents il y a dix-neuf ans. »
Rao se gratta le cou.
— « Eh bien, la même personne, c’est beaucoup dire, nous changeons tous avec le temps et, moi, j’ai particulièrement changé mais… J’ai des souvenirs de cette époque. Vois-tu, cette année-là, nous avons trouvé la relique que je cherchais et, après, sur le chemin de retour, des milfides nous ont attaqués… et tes parents sont morts. Si j’ai effacé tes souvenirs, c’était parce que je ne voulais pas te voir souffrir. » En partie, du moins, corrigeai-je mentalement… « Je n’aurais peut-être pas dû le faire. »
C’était à peine perceptible, mais, avec mon orique, je constatai que Zélif tremblait légèrement. Je la vis déglutir. Et Naylah demanda d’une voix tendue :
— « Tu as effacé ses souvenirs sans lui demander sa permission ? »
Rao grimaça. Zélif leva une main pour apaiser la lancière.
— « Si ce que tu dis est vrai, je ne peux que mettre en question ta façon de consoler les gens… Mais je suppose que tes intentions étaient bonnes. »
Sa voix n’était pas tout à fait convaincue. Rao assura énergiquement :
— « C’était un accident. Je le jure sur mon sang. »
Son serment arracha à Kala une légère grimace. L’impatience de celui-ci grandissait. Zélif lâcha soudain :
— « Pendant des années, je me suis demandé que diables il s’était passé. Tu ne pourrais pas avoir laissé une note pour me le dire ? » Elle maugréa quelque chose d’inintelligible devant les regards surpris des Ragasakis et ajouta plus fermement : « Qu’importe le passé maintenant. Mais que ce soit bien clair : ne t’avise pas de toucher les esprits de mes confrères, celui de Drey inclus. Alors… tu nous libères ? »
Rao hésita et me lança un regard interrogateur comme pour dire : elle a l’air de vraiment bien le prendre, non ? Kala était agité… Que lui arrivait-il maintenant ? Je réprimai un soupir, qui se transforma en un grognement vibrant dans la gorge de Kala. À ma surprise, celui-ci donna soudain libre cours à son impatience et s’avança vers les Ragasakis jusqu’à heurter les barreaux.
— « Arrêtez de parler, bon sang, le passé, c’est le passé. Je fais confiance aux Ragasakis, Rao. Et je n’aime pas les voir enfermés. Où est la clé ? Si vous ne me donnez pas la clé, je demanderai à Drey de rompre ces barreaux. Où est la clé ? »
Attah… Il s’accrochait aux barreaux comme un enfant excité. Sur un signe de la part de Rao, l’archère sortit une autre clé et s’avança vers la porte de la cellule. Elle la fit tourner dans la serrure, émettant un bruit sec et métallique. Dès qu’elle ouvrit la grille, Rao prévint :
— « Je vous conseille de ne rien tenter de stupide. Kala m’a dit que vous étiez à la recherche de l’une des vôtres qui a été capturée par la Guilde. On dit que l’ennemi de ton ennemi est ton ami. »
Sans répondre, les Ragasakis sortirent un à un. Je doutais qu’ils aillent tenter quelque chose contre Rao. Cela n’aurait pas eu de sens. Cependant, Chihima et Rao étaient toutes deux sur le qui-vive. Je sentis soudain un léger fil bréjique se connecter.
“Drey ? Tu es toujours là, n’est-ce pas ?”
C’était Myriah. À son inquiétude, je compris qu’elle s’était imaginé que Kala m’avait supplanté et qu’il m’avait peut-être même fait disparaître ou va savoir. Je roulai les yeux mentalement.
“Je suis toujours là. J’ai promis à Kala de le laisser en paix durant cinq jours sans intervenir, c’est tout.”
“Tu appelles ça me laisser en paix ?” marmonna Kala. “Tu n’arrêtes pas de parloter.”
“Et, toi, tu t’insurges pour un rien,” souris-je.
“De quoi parlez-vous ?” intervint la voix curieuse de Rao.
Myriah fut surprise.
“Et, celle-là, qui est-ce ? Ne me dis pas que vous êtes trois dans la même tête maintenant ? Vous vous multipliez… !”
“Non, rassure-toi, Myriah,” lui dis-je, amusé. “Ça, c’est Rao. Elle est bréjiste.”
“Myriah ?” répéta Rao. « Qui est Myriah ? »
Ses yeux déconcertés examinaient les Ragasakis, essayant de deviner… Kala indiqua un recoin.
— « Elle est là-bas. Tchag. Tu n’as pas besoin de te cacher : nous sommes tous amis. » Comme Tchag ne bougeait pas et demeurait invisible, il ajouta : « Je t’invite à dîner. Nous vous invitons tous, n’est-ce pas, Rao ? » Vu l’expression de celle-ci, l’idée ne semblait pas beaucoup lui plaire, mais… Kala insista : « Il y aura de bonnes choses à manger, Tchag. Qu’est-ce que tu en dis ? »
L’argument fonctionna à merveille. L’imp apparut aussitôt, s’approcha avec empressement, ralentit à peine pour lancer à Rao un regard prudent et grimpa sur mon épaule. Kala sourit et tapota la touffe de cheveux blancs avec le même geste machinal que j’avais l’habitude de faire. Sauf que, cette fois-ci, Tchag émit un bruit de contentement semblable à un ronronnement. Il ne parlait toujours pas, mais c’était un progrès par rapport à son silence absolu.
— « Ça, c’était… » souffla Livon, stupéfait. « C’était Tchag ? »
— « Tchag, tu n’as pas honte ? Tu te laisses acheter si facilement ? » grommela Sirih.
Kala et Tchag lui sourirent en même temps. Rao s’approcha et ses yeux s’agrandirent lorsqu’ils se posèrent sur la larme suspendue à l’oreille de l’imp.
— « Ta larme ! Qu’est-ce qu’elle fait là ? »
Malgré mes doutes, Kala expliqua sans réserve :
— « Eh bien, voilà. Il y a environ deux siècles, une Arlamkienne s’est retrouvée prisonnière comme une larve dans de la varadia, un truc incassable, Drey a laissé la larme dessus comme un idiot et la vieille s’y est introduite… »
“Qui traites-tu de vieille ?!” s’écria Myriah.
“L’aïeule, c’est plus poli,” intervins-je, moqueur.
— « Bon, l’aïeule, alors, » accepta Kala.
Je m’esclaffai mentalement, tandis que Myriah fulminait, s’adressant à présent à tout le monde sans restriction :
“Je suis jeune ! Vous autres, vous pouvez parler ! Si toute cette histoire des Pixies est vraie, vous avez déjà presque la moitié de mon âge ! Vieillards !”
Kala, Jiyari et Rao se regardèrent… et pouffèrent.
— « C’est vrai, » dit Rao. « Nous sommes vieux. Et moi, la plus vieille. J’aurai soixante-treize ans dans quelques mois. Jiyari doit avoir environ trente-deux ans et Kala… si l’on compte uniquement le temps où il a été conscient, c’est le plus jeune de tous maintenant. » Elle jeta un regard moqueur à Kala et ajouta plus sérieuse : « En tout cas, cette larme appartient à Kala. Un autre esprit n’aurait pas dû pouvoir s’y loger. Est-ce que je peux l’examiner ? »
— « Qu’elle ne fasse pas de mal à Myriah ! » se préoccupa Livon.
Kala leva une main désinvolte et dit :
— « Ne t’inquiète pas. Rao ne lui fera rien. »
Celle-ci acquiesça, la larme déjà entre les mains, il y eut un silence et je perçus le léger hochement de tête de Chihima. Rao avait dû lui donner un ordre par bréjique car la Couteau Rouge disparut promptement en haut des escaliers, à peine une seconde d’hésitation après. Alors, la Pixie monta d’un saut jusqu’à la troisième marche et fit :
— « Allons-y et pardon pour cette journée de réclusion. Les Couteaux Rouges, nous sommes un peu drastiques. Toutes mes excuses. Si cela peut vous réconforter, cet endroit a davantage servi comme terrain d’entraînement que comme cellule. J’ai passé ici de nombreuses heures, étant petite. »
— « Oh, tu voulais partager une expérience, alors, » se moqua discrètement Sirih.
Rao sourit.
— « Peut-être bien. Si vous êtes vraiment des amis de Drey… alors, s’il vous plaît, acceptez mon invitation. »
Les Ragasakis ne protestèrent pas, et je compris que, maintenant que la situation leur était plus favorable, ils étaient prêts à être plus compréhensifs et à en apprendre davantage sur Rao. En plus, je connaissais mieux la Guilde qu’eux et peut-être pensaient-ils que je savais où Orih avait été emmenée… Je ne les détrompai pas.
Ainsi, nous montâmes les escaliers et conduisîmes les Ragasakis à la salle principale avec sa grande table ronde. Rao s’entretint brièvement avec les quatre Couteaux qui se trouvaient là. Tous étaient debout et avaient remis leurs foulards, alertés par Chihima. Deux d’entre eux disparurent dans le couloir et les deux autres ramassèrent d’un geste les cartes auxquelles ils jouaient avant de s’adosser silencieusement contre le mur le plus proche de la sortie. Quelques instants après, trois saïjits masqués arrivaient, les mains chargées de couverts. Ils les posèrent sur la table et Rao dit :
— « Ragasakis. Asseyez-vous. Le dîner sera bientôt prêt. »
Sous nos regards, elle contourna la table, retira une chaise et s’assit sans façons. Tout d’abord, les Ragasakis ne dirent pas grand-chose. La Pixie centra son intérêt sur Myriah. Livon, s’asseyant à côté de moi, murmura :
— « Alors, tout de suite, tu es Kala, tu n’es pas Drey ? »
— « Exact, » répondit Kala. « Mais j’ai vécu la même chose que Drey. Alors, je vous considère comme mes amis. Moi, je n’ai pas les problèmes qu’a Drey avec le Datsu. Parfois, il peut être assez idiot, pas vrai ? » Sous le regard ahuri de Livon, il s’appuya contre le dossier de la chaise, les bras derrière la tête, souriant. « Mais je l’aime bien malgré tout. »
Il se redressa pour attraper une fourchette et sourit plus largement.
— « Dannélah. Je crois que c’est la première fois que je vais manier ça tout seul ! »
Il agita si bien la fourchette qu’elle lui échappa des mains, fusa et atterrit au milieu de la table ronde.
“Et après tu me traites d’idiot…” soupirai-je.
Kala grommela quelque chose entre ses dents tout en se levant, tendant son corps pour récupérer la fourchette. Livon nous observait, ne sachant trop s’il devait rire ou non.
— « Alors… dans ton autre corps, tu ne mangeais pas avec une fourchette ? » demanda-t-il finalement.
Kala hocha négativement la tête, se rasseyant.
— « Pour quoi faire ? Je ne buvais que de l’huile. »
Quand tous se tournèrent vers moi, surpris, je me souvins que je ne leur avais pas dit que le corps métallique de Kala s’alimentait uniquement d’huile. Kala découvrit toutes ses dents.
— « L’huile de tawman était la meilleure. Elle me faisait un peu oublier l’enfer. Mais bon, » reprit-il avec plus d’entrain, « je n’étais pas le seul à être bizarre. Jiyari, » il le montra du doigt, « il mangeait des fleurs et buvait de la résine d’arbres. Et Rao buvait du sang. »
Jiyari ouvrit grand les yeux d’étonnement.
— « De la résine ? » Apparemment, il ne s’en souvenait pas. Il ajouta, hésitant, se tournant vers Rao : « Du sang ? »
Celle-ci détourna les yeux de la larme et jeta à Kala un regard patient avant d’adresser aux Ragasakis un sourire espiègle et malicieux.
— « Oh, oui. J’adorais le sang de saïjit. Les monstres du laboratoire me donnaient des litres entiers et, moi, j’en demandais toujours plus… Finalement, c’est dommage que je me sois enfuie avant avec Boki : je n’ai pas pu goûter le sang de ces monstres. » Elle passa sa langue sur ses lèvres noires. « Dommage. Quoique je préfère le sang offert que le sang volé à des lunatiques. »
Sous le regard interdit des Ragasakis, elle joua avec la larme draconide, perdue dans ses souvenirs.
— « Ils m’ont rendue dépendante au sang, même plus encore que le plus jeune des vampires. C’est pourquoi, encore aujourd’hui, j’éprouve du plaisir à le goûter, même si cela ne me sert à rien. Cela vous paraît écœurant ? Je sais que Jiyari a le cœur soulevé rien que de m’entendre. Je vous dégoûte, » affirma-t-elle.
Je sentis l’agitation de Kala. Il se sentait coupable d’avoir abordé le sujet. Il tendit une main vers elle et Rao la lui serra un instant, ajoutant :
— « Mais, en même temps, c’était moi l’aînée du groupe et j’essayais de le montrer. C’était moi qui retenais Kala quand il perdait le contrôle, moi qui consolais Jiyari, moi qui les tranquillisais tous et leur disais : fuyons au lieu de combattre. J’étais peut-être un chat-vampire, un monstre pour vous, mais je voulais croire que le monde ne se bornait pas au laboratoire. Je voulais croire qu’il y avait un paradis au-dehors. J’ai eu une douloureuse déception. »
Il y eut un silence. À leurs expressions, les Ragasakis se faisaient petit à petit une idée de ce qu’avaient réellement enduré ces trois Pixies avec qui ils allaient partager le repas.
— « Tout n’a pas été que déception, » dit alors Jiyari. « À la Superficie… »
— « Nous nous sommes sentis heureux au milieu de l’enfer, » approuva Kala. « Les nuages, les fleurs, l’eau claire, le miel des abeilles, le vent, la lumière… Tout cela nous rappelait combien le monde pouvait être beau. »
— « Mais nous ne pouvions pas l’apprécier, » dit Rao.
— « Pourquoi vous ne pouviez pas ? » murmura Zélif.
Rao, Jiyari et Kala se regardèrent. Et ils échangèrent un sourire tordu.
— « Parce que, » dit Jiyari.
— « … Tout nous faisait mal, » continua Kala.
— « … Foutrement tout, » termina Rao.
Kala la regarda avec étonnement en la voyant parler aussi grossièrement.
— « Tout vous faisait mal ? » répéta Livon. « Vos corps ? »
— « Ils se décomposaient, » acquiesça Kala. « À seize ans, je ne pouvais plus parler et mon corps ne marchait plus que par à-coups. À chaque mouvement, à chaque respiration même, c’était comme si une bête enfonçait brusquement ses griffes pour m’arracher les entrailles. À dix-sept ans, j’ai perdu l’odorat et la vue. À dix-huit ans, j’étais allongé sur un lit, mes bras tombaient en morceaux, mon corps émettait des cliquetis métalliques chaque fois qu’une pièce se détachait et mon esprit n’est demeuré en vie que grâce à Lotus. Longtemps, longtemps après… je me suis rendu compte qu’à un moment, Père… Lotus m’avait séparé du corps et m’avait mis… » nos regards se tournèrent vers la larme draconide que Rao manipulait nerveusement et il dit : « là. »
Le silence se prolongea. Sanaytay avait un éclat horrifié dans les yeux, Sirih remua silencieusement les lèvres, comme si elle invoquait quelque dieu même si elle n’en avait pas, Zélif fixait son assiette, Naylah était pâle et Livon si blême qu’il avait l’air de s’imaginer très clairement la vie de Kala. Saoko était le seul qui n’avait pas changé d’expression. Alors, un garçon apparut par la porte, poussant une table roulante couverte de mets. Derrière lui, la sorcière, grand-mère de Rao, entra et lança joyeusement :
— « Bon o-rianshu et bon appétit ! »
Saoko sourit un peu. Juste un peu. Peut-être parce qu’après une histoire aussi truculente sur des corps qui se décomposaient, l’appétit était la dernière chose à laquelle les Ragasakis semblaient penser. Il se trompait : dès que l’odeur de nourriture lui parvint, Livon recouvra ses couleurs et s’exclama :
— « Merci, grand-mère, j’ai une de ces faims ! »
Oubliant le passé aussi vite que le permutateur, Kala sourit lui aussi largement, regardant sa fourchette. Et Rao dit :
— « S’il vous plaît, mangez, et que ce dîner devienne le symbole de notre amitié. »
Ce fut un délice. N’ayant rien mangé d’autre que des Yeux de Sheyra depuis deux jours, Kala remplit généreusement son assiette, et il montra si bien l’exemple que Livon, Tchag et Sirih en firent autant.
— « Pashe-moi la bouteille, Shirih ! » dit Livon, la bouche pleine, tendant la main vers l’harmoniste, qui avait rempli son verre à ras bord.
La bouteille de camoun circula de main en main, Kala la fit passer sans remplir son verre et Rao la prit, étonnée :
— « Tu n’aimes pas le camoun ? »
— « Drey ne supporte pas l’alcool, » expliqua Kala. « Son Datsu se débride et je n’aime pas quand il se retrouve apathique. »
Rao demeura un instant en suspens et, après une hésitation, elle passa la bouteille à Jiyari sans se servir. Celui-ci leva une main et la passa à Saoko, assis à sa gauche, en disant :
— « Moi non plus. »
Les Ragasakis s’enivrèrent plus vite que l’on ne s’y serait attendu. Ce camoun devait être fort. Zélif s’était contentée d’un jus de zorf, mais les autres étaient déchaînés. Naylah racontait en bafouillant je ne sais quel travail contre un orc solitaire qui l’avait défiée à boire tout un tonneau de camoun, promettant, si elle y parvenait, de libérer la fillette firassienne qu’il avait enlevée.
— « Et tu l’as bu tout entier ? » demanda Sirih, incrédule.
Naylah eut un sourire suffisant.
— « J’ai fait un trou dans mon tonneau avec Astéra pendant que l’énorme orc buvait le sien. J’ai récupéré la fillette et laissé l’orc complètement ivre. Il a sûrement dû croire que j’avais gagné. »
Ils s’esclaffèrent, y compris les Pixies. M’imaginant un orc tout éméché, trompé si stupidement, je me dis que les tâches des Ragasakis étaient assurément on ne peut plus variées. Alors, Livon répéta :
— « La bouteille ! »
Mais cette fois-ci, au lieu d’attendre qu’on la lui passe, il permuta avec Sanaytay qui, plus modérée que les autres, mélangeait le camoun au jus de zorf. La flûtiste laissa échapper un « oh ! » de surprise quand elle se retrouva assise à côté de moi. Je la vis plus rouge que d’habitude. Était-elle éméchée malgré tout ? Quoi qu’il en soit, Kala éclata de rire face au tour de Livon et celui-ci s’écria, se levant avec la bouteille :
— « Ragasakis ! Je jure sur ma vie que je sauverai Orih ! Ces Souterriens n’ont pas le droit de nous l’enlever, » croassa-t-il. Il brandit la bouteille et brama : « Orih est à nous ! Que l’orage emporte mon troupeau si je ne la trouve pas ! »
Il se laissa retomber sur le siège de Sanaytay, une expression tout sauf joyeuse sur le visage. Ses yeux gris flamboyaient. Jusqu’alors, je ne m’étais pas rendu compte à quel point il était affecté. Orih, qu’il avait enfin retrouvée, lui avait été de nouveau arrachée, cette fois-ci par ces Dagoviliens si loyaux. Livon contrôlait bien sa colère… mais il ne pouvait la dissimuler en ce moment.
— « Livon, » murmura Sanaytay à côté de moi, bouleversée.
Le permutateur leva des yeux vitreux vers nulle part et bredouilla :
— « Je ne supporte pas… que les gens… osent s’en prendre à mes amis. »
Il y eut un silence. Alors, à ma gauche, Rao acquiesça et j’entendis son murmure :
— « Qui peut bien le supporter… »
* * *
Les Ragasakis mangèrent si bien qu’ils baissèrent leur garde et acceptèrent de dormir sous le même toit. Non seulement certains étaient saouls, mais ils n’avaient pas dormi l’o-rianshu précédent et ils étaient exténués. À peine Rao les eut laissés dans une chambre, bien installés, je sentis la respiration de Livon se faire régulière : le permutateur s’était endormi dès qu’il avait touché l’oreiller.
— « Avec votre permission, nous allons fermer la porte à clé, » dit Rao. « Mes compagnons dormiront plus tranquilles. Désolée pour tous ces désagréments. Demain, vous récupèrerez toutes vos affaires. Promesse de Couteau Rouge ! » sourit-elle, levant le pouce avec énergie.
Les Ragasakis échangèrent des regards mais ne protestèrent pas. Après avoir été invités à dîner et m’avoir vu, ils espéraient bien pouvoir se tirer d’affaire sans problème.
La vieille Néma sortit son trousseau de clés et non seulement elle ferma la porte à clé mais elle la bloqua aussi avec une barre. Face aux regards saisis de Jiyari et de Kala, Rao roula les yeux.
— « C’est la première fois que nous avons autant d’invités chez nous, » la justifia-t-elle, amusée. « Les Couteaux Rouges, nous prenons toujours des précautions ! »
La vieille femme acquiesça.
— « C’est exact. Les Couteaux Rouges, nous ne sommes pas très forts en hospitalité, mais vous pouvez être certains que, là-dedans, vos compagnons seront sains et saufs jusqu’au rigu. Redescendons, d’accord ? Il faut que nous parlions. »
Sous son regard éloquent, Rao acquiesça et, d’un geste, elle nous invita Jiyari et moi à redescendre au rez-de-chaussée. Je constatai que la table était déjà propre et qu’une dizaine de Couteaux Rouges étaient maintenant dans la pièce, murmurant entre eux. La sorcière leva une main, imposant le silence.
— « Mes enfants. Je vous présente Kala et Jiyari. Vous pouvez être tranquilles : eux aussi, ce sont des Pixies. »
Personne, parmi eux, ne s’étonna ni ne demanda ce qu’était un Pixie. Hormis Chihima, tous ôtèrent leurs foulards et inclinèrent leurs têtes vers nous. Ils avaient tous environ la quarantaine, excepté le ternian mince et roux qui avait apporté le dîner : il avait l’air aussi jeune que Jiyari. Il portait des lunettes noires et il les retira, dévoilant des yeux brillants à l’iris indigo où se dessinait constamment un cercle mauve. Le regarder dans les yeux plus de quelques secondes était perturbant ; aussi, Kala se tourna vers les autres. Il y avait une petite bélarque aux jambes étrangement pliées comme une sauterelle s’apprêtant à sauter ; un autre, avec des traits de drow, avait des dents énormes et une mâchoire qui saillait presque autant que celle d’un loup… Plus Kala et moi les regardions, plus nous nous rendions compte que ce groupe des Couteaux Rouges, cette bande… était plus qu’une bande de délinquants.
Je laissai échapper un souffle sans le vouloir et Kala, sans me le reprocher, balbutia :
— « Rao… C’est ce que je pense ? Ces gens… »
Rao s’approcha et se plaça entre Jiyari et moi, confirmant :
— « Tous sortent des laboratoires de la Guilde. »
Et tandis que Kala fixait les Couteaux Rouges d’un œil stupéfait, la jeune femme répéta les paroles de sa grand-mère avec une étrange douceur :
— « Eux aussi, ce sont des Pixies. »