Accueil. Cycle de Shaedra, Tome 6: Comme le vent

19 Soupe de poireaux

L’été approchait et le soleil commençait à se lever avant la plupart des gens. La place était déserte et tranquille. Je laissai tomber le seau dans le puits et je le remontai, plein d’eau. Les oiseaux chantaient joyeusement dans les arbres et, les chats, allongés sur les seuils en pierre, se délassaient en me regardant, indolents.

Je remplis la deuxième cruche que m’avait donnée Lu et j’étanchai ma soif avec l’eau qui restait dans le seau du puits. Syu, alors, sauta dedans en m’éclaboussant et je me mis à rire de le voir si heureux de barboter. Ses moustaches mouillées se dressèrent, provocantes.

“Quoi ? Ce n’est pas parce que, toi, tu ne peux pas loger dans un seau que je n’ai pas le droit de m’y baigner”, raisonna-t-il.

Je lui donnai entièrement raison, mais j’ajoutai :

“Je croyais que tu n’aimais pas l’eau quand il y en avait trop.”

“Bah. Tu te trompes. C’est l’idéal”, m’assura le singe, en tournant dans l’eau, très content.

Un vent chaud soufflait et je pensai que, moi aussi, j’aurais bien aimé pouvoir me plonger dans un seau d’eau. Mais, de toutes façons, il était temps de rapporter les cruches de Lu. Ce jour allait être un jour bien rempli : je devais chercher Srakhi, lui demander de m’excuser et quitter Aefna. Et, si j’avais le temps, parler avec Suminaria et lui demander à elle aussi de m’excuser de ne pas m’être présentée chez elle la veille.

Après avoir convaincu Syu que sa peau allait se rider s’il restait trop longtemps dans l’eau, je pris le seau et je finis de le vider au pied d’un buisson aux très jolies fleurs.

Syu grimpa sur mon épaule, en m’inondant.

“Pourquoi regardes-tu cette plante ?”, me demanda-t-il, intéressé.

Je m’aperçus que, songeuse, j’étais restée absorbée dans la contemplation de l’arbrisseau et je me réveillai.

“Je pensais que la nature était très belle”, lui expliquai-je.

Syu pencha la tête et observa plus attentivement les fleurs. Finalement, il acquiesça.

“Je suis d’accord”, dit-il. Et il tourna vers moi un visage moqueur. “Les gawalts, nous en sommes une preuve.”

Je roulai les yeux.

“Et les ternians”, répliquai-je. “Mais, sans fleurs, il n’y aurait pas de bananes, ni de pommes, ni rien de tout ce que tu aimes tant”, observai-je.

Ces paroles laissèrent Syu très songeur. Je ramassai les deux cruches de Lu, et je me dirigeai vers la ruelle. Lorsque j’arrivai chez Lunawin, je trouvai Spaw dans la cuisine, assis à table, un couteau à la main, face à trois poireaux. Ses cheveux violets étaient attachés en une queue de cheval et il n’avait pas du tout l’air d’avoir passé une nuit horrible, comme je savais qu’il l’avait passée.

— Bonjour —lui dis-je, en lui jetant un regard curieux—. Que fais-tu ?

— De la soupe —m’expliqua-t-il, en souriant.

— À cette heure ? —m’étonnai-je.

— Lu aime bien déjeuner de la soupe. Mais, comme elle est très occupée avec ses expériences, elle oublie toujours de la préparer.

Je le regardai fixement et je souris, amusée.

— Comment te sens-tu ? —demandai-je, en m’asseyant à la table.

— Mieux. Les potions de Lu sont assez efficaces quand elles fonctionnent.

Je grimaçai en entendant ses derniers mots. Mais, bien sûr, il était tout à fait naturel qu’un alchimiste commette des erreurs de temps à autres, pensai-je.

— J’ai réfléchi —dit soudain Spaw, en coupant les poireaux avec célérité—. Tu m’as dit que tu aurais dû quitter Aefna hier, et cela me paraît une très bonne idée. Avec qui as-tu dit que tu devais partir ?

J’arquai un sourcil.

— Je ne l’ai pas dit.

Spaw s’arrêta en plein mouvement.

— Tu ne penses sans doute pas t’en aller toute seule ?

— Et pourquoi pas ? —fis-je, en sentant un sourire se dessiner sur mon visage—. Je suis un démon har-kariste avec un singe gawalt et un bâton compositeur, qui pourrait me faire du mal ?

Spaw roula les yeux.

— Un bâton compositeur ? —répéta-t-il.

— Ouaip —acquiesçai-je, avec désinvolture.

— Ton bâton est une magara, hein ? Je m’en doutais. Il émet de la musique ?

— Ce n’est pas une magara —lui assurai-je—. C’est un ami.

Le démon esquissa un sourire incrédule et il revint à ses poireaux, en soupirant :

— Je doute que la musique puisse te sauver d’une bande de truands.

— Je doute que des truands s’intéressent à une terniane sans un kétale —rétorquai-je—. Mais, de toutes façons, Srakhi va m’accompagner. C’est un ami de mon oncle.

— Ah —dit alors Spaw en secouant la tête—. C’est… un Ombreux ?

— Non, il n’en est pas un. Mais il doit la vie à mon oncle Lénissu. Et maintenant, vu qu’il lui a promis de veiller sur moi… Je vais rejoindre Lénissu —expliquai-je.

— Et… ça se trouve loin ? —demanda Spaw.

Je haussai un sourcil.

— Pourquoi veux-tu le savoir ?

Le démon me regarda, surpris.

— Eh bien… c’est naturel. Après tout, je suis là pour te protéger.

Je restai muette un moment. Les yeux noirs de Spaw brillèrent, souriants, et je m’étouffai avec ma salive, en comprenant.

— Tu travailles pour Zaïx.

Spaw acquiesça.

— Je croyais que tu le savais. —Il sourit—. Tout compte fait, tu es sa nouvelle créature.

Et il se leva pour mettre à bouillir, dans la casserole, l’eau, les pommes de terre, les poireaux et un autre ingrédient qui me rappelait quelque chose, mais que je ne sus identifier.

— Démons —soufflai-je, impressionnée—. Cela signifie que… Zaïx me protège ?

Spaw fit une moue.

— Cela signifie que je te protège. Zaïx… récompense.

Je le regardai, outragée.

— Alors, comme ça, le collier, les chasseurs de démons et tout… c’était juste pour une récompense ?

Lorsqu’il revint près de sa chaise et s’assit, je perçus dans ses mouvements une certaine fatigue qu’il parvenait toutefois à effacer de son expression.

— Ne m’interprète pas mal —répondit-il—. Je n’ai rien d’un chasseur de récompenses. Écoute, je t’expliquerai les choses plus clairement. Zaïx est comme un père pour moi. Il s’est occupé de moi depuis que j’étais un enfant. Et les autres démons de la communauté m’ont donné tout ce dont j’avais besoin. C’est tout à fait normal que, maintenant, ce soit mon tour d’aider les autres, tu ne crois pas ?

Je le regardai avec une soudaine méfiance.

— Euh… de quelle communauté parles-tu ? Zaïx a une communauté ? —Il acquiesça avec calme—. Et vous êtes nombreux ?

Spaw éclata de rire, amusé.

— Nous sommes cinq —dit-il simplement—. Mais, à présent, nous nous voyons à peine.

J’acquiesçai pour moi-même. Les communautés des Démons Majeurs regroupaient des centaines de démons. En comparaison, la communauté de Zaïx était plutôt réduite.

“Suffisante, si ce sont des gawalts”, intervint Syu avec un sérieux railleur.

“Tu crois qu’il y a des démons gawalts ?”, lui demandai-je, amusée.

— Je suppose que tu dois te demander pourquoi je ne t’ai pas parlé de Zaïx plus tôt —poursuivit Spaw—. Mais tu dois comprendre qu’une personne qui travaille pour le Démon Enchaîné est très mal vue. Et je ne veux pas que tout le monde apprenne que je travaille pour lui.

— Kwayat le sait ? —demandai-je.

— Il sait que Zaïx m’a éduqué. Mais il croit que je travaille pour Ashbinkhaï. Ce qui est vrai aussi.

Je le regardai, perdue.

— Spaw… tu es en train de me dire que tu travailles pour deux démons à la fois ?

Spaw soupira.

— Je vais être sincère avec toi, comme je le suis toujours. —Il se racla la gorge et inspira profondément avant de dire— : Eh bien, voilà… je suis un templier.

Je le fixai du regard un moment, pensant qu’il allait ajouter quelque chose, mais il semblait m’observer, désireux de voir quelle allait être ma réaction.

— Très bien —dis-je, impatiente—, qu’est-ce que c’est, un templier ? Je suppose que cela n’a rien à voir avec ces anciens guerriers qui se jetaient du haut des falaises pour échapper à leurs terribles ennemis —dis-je, en me souvenant d’une scène historique que nous avait racontée le maître Tawb, à Dathrun.

— Rien à voir avec ce que tu dis —confirma-t-il—. Parmi les démons, un templier est une sorte de mercenaire qui sert d’espion, de messager et ce genre de choses. Lu m’a toujours reproché de choisir ce travail —soupira-t-il—. Et elle a tout à fait raison, mais, crois-moi, c’est moins dangereux que d’être alchimiste. Enfin, comme tu peux l’imaginer, mon travail requiert une certaine apparence de neutralité. Et si mes clients savaient que je conserve ma loyauté envers Zaïx, peut-être qu’ils ne me feraient pas autant confiance. Par simple superstition : les gens continuent de croire que Zaïx est un traître.

— Parce qu’il a volé les Chaînes d’Azbhel ?

— Exact —sourit-il—. Bon, maintenant que je t’ai raconté ma vie passionnante, dis-moi, où penses-tu aller avec cet ami de ton oncle ?

Je ne répondis pas immédiatement, pensive.

— Attends un moment —dis-je—. Tu ne m’as pas encore dit pourquoi tu travailles pour Ashbinkhaï.

— Oh, c’est un détail —m’assura Spaw—. Ashbinkhaï m’a demandé de retrouver son fils Askaldo et de le surveiller, parce que dernièrement il est très rebelle. —Il m’adressa un sourire torve—. J’ai appris qu’il avait envoyé un de ses acolytes à Aefna et j’ai compris que, s’il te trouvait, il pouvait survenir quelque incident regrettable.

— Tu veux dire qu’il a envoyé quelqu’un à Aefna et que ce quelqu’un va se venger de moi ? —soufflai-je, atterrée.

— Bon, Askaldo n’est pas une personne violente, selon son père —me consola Spaw—. Mais Ashbinkhaï s’inquiète pour lui, ce qui est normal, c’est son fils unique. Et je te rappelle que “ce quelqu’un” a déjà essayé de se venger de toi.

— Si c’est vraiment Askaldo qui a engagé ces chasseurs de démons —dis-je posément— alors, la potion que tu as bue…

— Oui, oui, ne me le rappelle pas —me coupa Spaw, en se raclant la gorge—. Quand je vais le raconter à Zaïx, il va se moquer de moi. Mais bon, toi, au moins, tu n’y as pas goûté. Autrement, Lu n’aurait probablement pas pu te sauver, parce qu’elle ne connaît pas du tout ta Sréda, et tu aurais terminé les dieux savent comment.

— Mmpf —fis-je—. Alors, quand tu dis que ce n’est pas une “personne violente”, c’est assez relatif.

Spaw ouvrit la bouche, fit une moue et acquiesça.

— Euh… En fait, oui. Je suppose que ce qu’a voulu me dire Ashbinkhaï, c’était qu’Askaldo ne poignarde pas les gens ni ce genre de choses. De toutes façons, je n’ai pas de mal à le croire, vu que sa famille, normalement, est connue pour sa patience et pour son amabilité.

— Hmm —réfléchis-je—. Et tu ne travailles pas pour plus de gens ?

Les yeux sombres de Spaw étincelèrent d’amusement.

— En ce moment, non —me dit-il—. Je comprends ta méfiance. Zaïx m’a déjà expliqué qu’une personne qui travaille dans ce genre d’affaires n’inspire pas une grande fiabilité ni honnêteté à la plupart des gens. Mais, à mon avis, je suis une personne honnête. Je dis toujours la vérité —m’assura-t-il—, ou presque. Et je ne prends parti pour personne. Sauf dans les affaires de Zaïx, bien sûr —ajouta-t-il.

Je souris. Je commençais à trouver ce démon sympathique.

— C’est bon —dis-je—. D’après ce que tu as dit, tu sembles être un démon avec de grands principes. Alors… tu penses nous accompagner Srakhi et moi ?

Spaw se racla la gorge.

— C’est là le problème. Je ne suis pas tout à fait guéri. J’aurai besoin de plusieurs jours pour me rétablir. —En entendant cela, j’acquiesçai, troublée, et Spaw poursuivit— : Mais, si tu penses que ce Srakhi est digne de confiance, je te conseille de quitter Aefna le plus tôt possible. Je crois… que tu ne devrais pas attendre davantage.

Je redressai la tête, surprise.

— Tu crois que le démon envoyé par Askaldo va vouloir tenter autre chose ? —demandai-je, un peu effrayée.

— Le problème, c’est que… c’est plus que probable.

— Ça, c’est un problème —approuvai-je, en réprimant un sourire moqueur—. Bien. Alors, je pars tout de suite chercher Srakhi. Nous partirons en direction de Kaendra.

Spaw acquiesça de la tête, songeur.

— Tu ne veux pas attendre que la soupe soit prête ? —demanda-t-il alors.

J’arquai un sourcil, amusée.

— D’accord. Mais dis-moi, Spaw, cette recette… d’où la tiens-tu ?

— Pourquoi tu le demandes ? —s’étonna Spaw.

— Parce que… je n’ai jamais vu une soupe préparée avec des anémones blanches et des racines de tugrin. Mais mon oncle m’a commenté que c’était très typique près du lac Turrils. Dans les Souterrains —insistai-je.

Spaw ouvrit grand les yeux, surpris, puis il rit.

— Tu as raison, il ne manque que les poireaux noirs —dit-il—. Alors, ton oncle est un connaisseur des Souterrains, à ce que je vois ?

Je roulai les yeux.

— Tu as dit que tu disais toujours la vérité —lui reprochai-je.

— Ai-je dit un mensonge ? —rétorqua-t-il, avec le plus grand calme.

Le singe s’ébroua. “Ce saïjit ne sait pas ce qu’il dit”, commenta-t-il. Je ne pouvais qu’être d’accord avec lui. Spaw était trop sincère et mystérieux à la fois pour pouvoir se fier à lui. Mais, malgré cela, il avait dit des vérités. Et, surtout, il avait assuré qu’il me protègerait. Cependant, en percevant les marques de fatigue sur son visage, je pensai qu’il devrait commencer par se protéger lui-même.

* * *

J’étais partie, chargée de mon sac à dos orange et accompagnée de Frundis et Syu, après avoir pris congé de Spaw et de Lu, en disant à bientôt à l’un et en remerciant l’autre pour son hospitalité. Et, maintenant, je me dirigeai, presque en courant, au Sanctuaire. Spaw m’avait dit que c’était une bêtise, mais je ne pouvais supporter l’idée de voler un livre à la Fille-Dieu. Il était tout à fait normal que je lui rende le recueil de poèmes Shirel de la montagne. Mais j’aurais pu y penser avant, me répétai-je, en traversant la Place de Laya.

Je passai par une rue moins fréquentée, lorsque, soudain, quelqu’un s’arrêta net devant moi. Je le heurtai et je levai le regard, craignant le pire…

— Maître ! —m’exclamai-je, comme dans un rêve.

— Shaedra, ça alors —fit le maître Dinyu, avec un grand sourire—. Précisément, je revenais du Sanctuaire. Mais on m’a dit que tu étais partie avant-hier.

J’acquiesçai, émue.

— Oui. La Fille-Dieu et moi, nous ne nous entendions pas très bien. Lénissu et Aryès ont été relâchés et, elle, elle me l’a divinement caché. Que faites-vous à Aefna ? —demandai-je, en sentant mon cœur s’emplir de joie.

— Oh, eh bien —commença Dinyu—. Je t’avais déjà dit que je ne resterais pas à Ato. J’y suis resté un mois de plus, jusqu’à ce que le Daïlerrin trouve un nouveau maître. De toutes façons, je ne suis que de passage. J’avais des affaires à régler avec la Pagode. Et je voulais savoir si tu allais bien. Mais je vois à présent que les choses s’arrangent. Alors, comme ça, Lénissu et Aryès sont déjà libres ?

— Bon… Les choses sont plus compliquées —dis-je, avec une moue—. Mais, au moins, ils ne sont plus bannis. Je quitte Aefna aujourd’hui même.

— Oh, et où vas-tu ?

— À Kaendra.

Et alors, je lui expliquai que j’irais avec le gnome say-guétran qu’il avait vu, une fois, à l’entrée de la Pagode des Vents. Et lui me donna des nouvelles des autres kals d’Ato.

— Galgarrios se préoccupait beaucoup pour toi —me dit-il—. Et Sotkins n’a pas cessé de me demander si je savais pourquoi tu étais restée à Aefna. —Il sourit—. Je crois qu’elle pensait que tu étais restée étudier à la Grande Pagode ou quelque chose comme ça.

Je lui rendis son sourire, en m’imaginant l’envie de Sotkins.

— Et Kirlens ? —demandai-je alors.

Son visage s’assombrit.

— À ce que j’ai entendu dire, Kirlens est… tourmenté. Il y a quelques semaines, son fils est revenu et il est reparti presque aussitôt. Apparemment, ils se sont disputés.

Je le regardai, les yeux écarquillés. Kahisso était revenu à Ato ! Au moins, cela signifiait qu’il était en vie. Qu’ils se soient disputés ne me surprenait pas beaucoup : Kirlens et Kahisso avaient toujours eu un certain penchant pour les drames. Le visage du maître Dinyu s’éclaira.

— Enfin, cela me fait plaisir de savoir que tu ne vas pas passer ta vie au Sanctuaire —déclara-t-il, moqueur.

Peu après, peut-être parce qu’il s’aperçut que j’étais pressée ou parce que, lui, l’était, le maître Dinyu me dit au revoir et me souhaita un bon voyage. Je le regardai un instant, avec la triste sensation que je ne reverrais pas mon maître de har-kar.

“C’est qui le devin, maintenant ?”, se moqua Syu.

“Quelqu’un de bien, ce maître Dinyu”, commenta à son tour Frundis, avec une mélodie de grelots et de flûtes. “Il est plus prudent que toi. Et il ne m’utiliserait pas comme manche à balai. Il pourrait être un meilleur porteur…”, insinua-t-il malicieusement.

“Frundis !”, m’indignai-je.

J’entendis un petit rire amusé.

“Je plaisantai”, protesta-t-il. “Rassure-toi ; lui, je ne crois pas qu’il apprécierait ma musique autant que toi. Et… je ne crois pas qu’il me supporterait aussi bien”, ajouta-t-il, pensif. “Tu vois ? Je sais reconnaître mes défauts et tes qualités”, remarqua-t-il, satisfait. “Je ne suis pas aussi égocentrique que ce que tu sembles penser parfois.”

Son ton reflétait tout sauf de l’humilité. Je réprimai un rire.

“Je me réjouis de savoir que tu as su choisir le bon porteur”, annonçai-je théâtralement.

J’arrivais à l’Anneau quand, soudain, Wanli apparut devant moi, les mains sur les hanches, avec sur le visage une expression de colère manifeste qui n’augurait rien de bon.

— Shaedra, tu es un désastre —déclara-t-elle.

Et Frundis laissa de nouveau échapper un petit rire amusé.