Accueil. Cycle de Dashvara, Tome 1: Le Prince du Sable

2 La caravane de la mort

— Vous avez fait un bon travail, les gars —approuva le capitaine Zorvun, alors que la patrouille de cavaliers xalyas revenait, essoufflée. Sur la colline voisine, les corps écailleux des créatures commençaient à émettre des étincelles et, bientôt, ils éclateraient, ne laissant que de la cendre.

Reprenant sa respiration, Dashvara donna à son cheval quelques petites tapes amicales sur l’encolure et jeta un coup d’œil à ses compagnons. Cela faisait trois semaines qu’ils traquaient un troupeau de nadres qui avait ravagé une grange xalya ; le soulagement de tous en voyant ces bêtes vaincues était presque palpable. Ils allaient enfin pouvoir retourner au donjon.

Le premier nadre éclata. Ces derniers temps, certains éclataient à peine tués ; aussi, le capitaine avait ordonné de les piéger et de les arroser d’huile-froide avant de commencer la charge. Le combat s’était bien passé : aucun guerrier n’avait souffert de blessures autres que superficielles… Enfin, son cousin Miflin, un des Triplés, s’était tordu le poignet. Assurément, ces trois garçons ne manquaient ni de courage ni d’enthousiasme, mais ils avaient encore beaucoup à apprendre. Surtout Miflin.

Une brise fraîche se leva brusquement. Sortant de la torpeur après la bataille, Dashvara lança un profond regard vers l’ouest. Le soleil disparaissait déjà à l’horizon, tapissant de rouge la steppe de Rocdinfer.

Quand la dernière explosion mourut, le capitaine mit pied à terre et tous l’imitèrent. Ils s’apprêtèrent à bivouaquer ; ils nettoyèrent leurs blessures et préparèrent le dîner. Cette nuit-là, le capitaine était sombre. Quelque chose le préoccupait, devina Dashvara, assis près du feu. Il n’était pas très difficile de comprendre ce qui l’inquiétait : cela faisait une semaine qu’ils n’avaient pas de nouvelles de la patrouille de Sashava. Mais Sashava a plus d’hommes que nous, pensa-t-il. Aucun mal ne pouvait lui être arrivé, n’est-ce pas ? Makarva le tira de ses réflexions quand il installa son damier de katutas sur une casserole tournée à l’envers.

— Qui est partant ? —demanda-t-il—. Lumon, bien sûr. Qu’est-ce qu’on ferait sans ta maudite chance ? Dash ? Toi aussi, n’est-ce pas ? —Il prit une mine innocente quand il continua— : Sigfen ? Non ? S’il te plaît ! Tu ne vas pas nous abandonner quand même ? À quatre, c’est plus amusant —protesta-t-il.

— Je ne t’ai pas encore pardonné tes mauvais tours —grommela Sigfen.

— Bah ! Tu ne parles pas de ce pion que j’ai bougé sans le faire exprès, j’espère ? Allons ! Je voulais simplement vérifier que tu étais attentif au jeu, je t’assure. Je te promets que cette fois-ci je jouerai franc jeu —jura Makarva. Son sourire espiègle n’inspira confiance à personne. Il soupira—. Beuh. Tu es plus têtu qu’une pierre, Sig. Bon, Placide ! Assieds-toi et joue. Cette fois, toi, tu ne t’échapperas pas. Où sont les dés ?

— C’est moi qui les ai —dit Dashvara pendant que Boron le Placide s’installait, un petit sourire tranquille aux lèvres. Makarva tendit le cou pour regarder les dés.

— Tu as pris lesquels ? —murmura-t-il.

Dashvara sourit et les jeta sur le damier. Un trois et un cinq.

— Les normaux —répondit-il—. Je n’ai pas fait de six, tu vois bien.

— Mmpf. Tu as aussi les autres ? Je crois que je les ai perdus.

— Je parie ma chevelure que c’est un nadre rouge qui te les a chipés —intervint Miflin, s’installant avec ses deux frères pour suivre la partie. Le pari était une vieille blague bête : des triplés, Zamoy et Miflin étaient nés chauves ; par contre, Kodarah avait une chevelure noire impressionnante.

Dashvara répliqua :

— Bah, les nadres rouges ne trichent pas, cousin. Ce doit être Sigfen qui les garde pour le jour où il se décidera à faire la revanche.

— Ou Lumon —hasarda ce dernier, assis non loin avec une moue indifférente—. C’est pas pour rien qu’on dit qu’il a de la chance.

La personne visée sourit mystérieusement.

— Depuis quand avoir de la chance, c’est de la triche ? —répliqua-t-il.

— Depuis que tu joues aux katutas avec nous —répondit Makarva sans hésiter.

Ils commencèrent à jouer. Bientôt, Boron le Placide se mit à bâiller et Dashvara l’imita inconsciemment. Makarva protesta :

— Oiseau Éternel, arrêtez de bâiller ! —Et il bâilla à son tour. Zamoy lança :

— Kodarah, je parie mon petit déjeuner que le prochain qui bâille, ce sera le Placide.

— D’accord —approuva Kodarah. Zamoy grommela quand Dashvara bâilla de nouveau sans même l’avoir fait exprès. Le Chevelu laissa échapper un petit rire—. Tu as perdu ton petit déjeuner, mon frère.

Les parties de katutas étaient presque toujours chaotiques, c’était comme ça.

Le Placide bougeait une pièce et il venait de manger un pion de Dashvara quand une sentinelle avertit de l’arrivée d’un cavalier. Celui-ci surgit de la nuit, chevauchant à vive allure, plus vite qu’il n’était prudent. Il mit pied à terre et se dirigea directement vers le capitaine.

— C’est à toi, Lumon —fit Makarva.

— Oui, oui… —dit celui-ci, en baissant les yeux.

Comme c’était lui le suivant, Dashvara se concentra de nouveau sur le jeu tandis que le capitaine et le messager parlaient à voix basse. De mauvaises nouvelles, prévit-il.

Le capitaine le confirma rapidement quand, se dirigeant vers les deux feux, il aboya d’une voix puissante :

— Ramassez vos affaires ! Les sauvages sont en marche vers le Donjon.

Dashvara leva les sourcils. Une autre attaque ? Dernièrement, les sauvages semblaient beaucoup s’intéresser aux terres xalyas. Il se leva prestement. Si Dashvara avait appris quelque chose durant six ans de patrouille, c’était à obéir les ordres du capitaine sans poser de questions. Bien sûr, il était le fils premier-né du seigneur Vifkan, mais, devant le capitaine et devant ses amis, ceci n’avait pas d’importance : il était un Xalya comme tous les autres. Avec efficacité, ils rangèrent les katutas, ramassèrent leurs affaires et éteignirent les feux. Les chevaux s’ébrouaient, inquiets, devinant que la journée n’était pas encore terminée.

Ils sellaient déjà leurs montures quand Lumon demanda au messager :

— Combien sont-ils ?

C’est le capitaine qui répondit :

— Mille environ.

* * *

Les jours qui suivirent le massacre du Donjon de Xalya, Dashvara feignit de se rétablir.

Il y eut des querelles entre les Akinoas et les Shalussis pour se répartir le Donjon et les terres. Qwadris de Shalussi, dans sa folle ambition, voulut trahir les Akinoas et les écharper durant la nuit mais, finalement, ce fut lui qui fut trahi : avant l’aube, deux dizaines de mercenaires passèrent dans le camp des Akinoas après avoir assassiné Qwadris et son capitaine dans sa tente.

Un de moins, pensait Dashvara, tout en marchant lentement à travers la steppe aride de Xalya. Il suivait la caravane des Shalussis sans prononcer un mot. Le clan, ayant déjà reçu sa part de butin, avait décidé de rentrer et de laisser les Akinoas et les traîtres se retrancher dans le donjon : les terres xalyas, visiblement, ne leur servaient déjà plus à rien.

Misérables. Voleurs. Assassins… Dans sa tête, il repassa tous les synonymes possibles pour essayer de qualifier l’horreur perpétrée par ces sauvages. Au moins, les Essiméens s’étaient contentés de participer à l’assaut avec leurs catapultes sans rien emporter. Qui sait si pour honorer leur Dieu de la Mort ou simplement pour en finir avec ceux qui représentaient, par leur sang, la tyrannie du dernier roi de la steppe.

Dashvara se sentait vide. Il avait pleuré durant les nuits, mais pleurer ne soulageait pas la douleur. Il s’était promis de se lever et d’éliminer les chefs des clans shalussis une fois pour toutes. Mais il avait toujours fini par se rappeler les paroles de son père. Il ne devait pas se hâter. Il devait être prudent. Il devait être digne. L’angoisse et la haine avaient finalement laissé la place au vide et à la colère froide.

Ils mirent deux jours pour atteindre le territoire shalussi et deux autres pour arriver au village de Nanda. Au début du voyage, il ne parla avec personne. Il répondait aux commentaires par des grognements. Il recevait la nourriture comme si on lui donnait du poison. Sa vie de Xalya était finie et, bien qu’il sache qu’il était encore le fils du seigneur que ces guerriers avaient tué, il ne parvenait déjà plus à s’identifier avec ce jeune au caractère ironique, un peu macabre, moqueur et aux principes stricts. Le peu qui pouvait lui rester de l’enfance s’était volatilisé. Quand, au bout de deux jours, une femme lui offrit des vêtements plus convenables, il les repoussa d’un mouvement brusque.

— Ça ne va pas très bien dans ta tête, hein ? —dit-elle. Ses yeux d’un noir profond l’observèrent, espiègles—. Mais ça ne fait rien. Cette chemise déchirée te va très bien —se moqua-t-elle, en approchant son visage du Xalya. Elle exhalait un fort parfum de fleurs. Un frisson le parcourut tandis que la femme ajoutait sans se départir de son ton moqueur— : Je m’appelle Zaadma. Et toi ?

Comme il ne lui répondit pas, elle sourit en disant :

— Si tu ne clignais pas des yeux, je croirais parler à un mur.

Elle s’éloigna d’une démarche aguicheuse dans sa robe rouge et Dashvara fit une grimace de répugnance en comprenant à quoi s’adonnait cette femme au beau milieu des troupes shalussis.

Sauvages.

Ils l’étaient tous. Les Essiméens étaient des fanatiques du Dieu de la Mort. Les Akinoas étaient des guerriers barbares qui, depuis des lustres, cherchaient à coups de hache des terres qui leur conviennent. Quant aux Shalussis, c’étaient les sauvages de l’or. Ils vendaient tout pour ce métal, excepté leurs armes. On racontait même qu’ils étaient capables de vendre leurs femmes et leurs enfants aux commerçants qui venaient de par-delà les confins de la République de Dazbon. Les hommes shalussis vendaient leur honneur au prix de l’herbe. Et les femmes, visiblement, procédaient de même.

Sauvages, pensa-t-il de nouveau, le cœur figé comme une pierre.

Ladite Zaadma ne cessa pas de l’observer durant toute la journée. Dashvara lui renvoyait des regards assassins, mais elle ne se laissait pas intimider.

Quand le soleil s’en fut et que la caravane armée s’arrêta, Zaadma le laissa tranquille. Les feux s’allumèrent, mais Dashvara, au lieu de s’en approcher, s’assit contre la roue d’une carriole et leva les yeux vers le ciel où brillait une Lune resplendissante. Bientôt, la guérisseuse vint lui apporter à manger un bol plein de riz chaud, et Dashvara, surpris qu’on ne l’ait pas oublié, hocha la tête en silence en le prenant. Quand la femme s’éloigna, il l’observa. Elle était notablement plus âgée que Zaadma et on devinait déjà des mèches grises dans ses cheveux noirs. Il la vit parler vivement avec des guerriers ; elle laissa échapper un rire et des hommes sourirent. Ils semblaient la traiter avec respect, constata-t-il.

Il jeta un coup d’œil vers les tentes plus éloignées, là où ils menaient les prisonnières. Là où ils retenaient Fayrah. Et s’il parvenait à la sauver ?, se demanda-t-il. Et s’il réussissait à la sortir de là, à voler un cheval et à chevaucher vers le sud, jusqu’à la ville de Dazbon ? On racontait que, là-bas, il était même possible de cacher un clan entier. Deux personnes pourraient se dissimuler facilement. Il devait être prudent comme un serpent, oui, mais les serpents étaient aussi efficaces.

Cependant, avant, il avait besoin d’un sabre.

Il posa le bol sur le sol, sans y toucher, et se leva. À peine eut-il fait quelques pas qu’il entendit un léger raclement de gorge.

— Tu sais ? Tu as l’air d’un mort que l’on vient d’enterrer.

Dashvara se tourna vers Zaadma, laissant échapper un souffle irrité. La jeune femme était assise sur la partie arrière d’une carriole, les bras croisés.

— Allons ! Tu ne vas donc jamais parler ?

Tu ne vas donc jamais me laisser tranquille ?, répliqua-t-il intérieurement.

Il lui tourna le dos et se dirigea vers les feux.

— Tu es un Shalussi difficile à convaincre, hein ? —commenta Zaadma. Elle le suivait—. On dirait que tu as perdu une bataille. Je croyais que vous aviez gagné. Tu n’es pas content d’être libre ? Ou alors as-tu toujours été aussi communicatif ? Laisse-moi réfléchir… Diables ! Les Xalyas ne t’ont quand même pas arraché la langue ?

Zaadma lui coupa le passage et Dashvara l’écarta avec brusquerie.

— Pousse-toi —siffla-t-il.

La maudite sotte se mit à rire.

— Un point pour moi : tu as encore une langue. Maintenant, il ne me manque plus qu’à…

— Fiche le camp —gronda le Xalya d’une voix sourde.

Quelque chose dans sa voix effraya Zaadma, mais elle se remit tout de suite.

— Tu as mauvais caractère, Shalussi —observa-t-elle. Alors que Dashvara poursuivait son chemin, elle continua— : Autour des feux de camp, plus d’un est prêt à offrir de bonnes pièces en échange de mes faveurs, tu sais ? Et tous ont la bourse pleine… sauf toi. Dis-moi, comment t’appelles-tu ?

Dashvara eut envie de la bâillonner, de lui lier les mains et de la mettre dans une carriole jusqu’à l’aube.

— Odek —répondit-il finalement entre ses dents—. Odek de Shalussi.

— Odek ! —s’exclama-t-elle, souriante—. J’ai connu un Odek à Dazbon. Ça a été mon véritable premier amant. Un saint. Mais il est mort. Comme j’envie ces Xalyas —soupira-t-elle—. Dazbon est une ville de rêve. Jamais je n’aurais dû tomber amoureuse de ce Shalussi. Celui-là, ce n’était pas un Odek, c’était un Aldek. —Elle pouffa—. Quels noms bizarres vous avez, vous, les Shalussis. Bon, le cas est qu’Aldek m’a emmenée dans son village pour que nous vivions ensemble comme mari et femme. Et à peine quelques mois plus tard, lui aussi est mort, dans un stupide duel, et il m’a laissée plantée là, au milieu du néant, avec quelques chèvres et une hutte de terre plus petite que cette carriole.

Dashvara se caressa la barbe, pensif, tandis que Zaadma bavassait.

— Alors ils les emmènent à Dazbon ? —murmura-t-il.

— Les Xalyas ? Eh bien, oui. En fait, Nanda essaiera de les vendre à un trafiquant, un étranger de Diumcili, tu sais, l’État Fédéré du sud. Les fédérés payent des montagnes d’or.

Bon, au moins, ce sont des esclaves de valeur, voulut répliquer Dashvara avec sarcasme. Il se retint.

— Et ce trafiquant, qu’est-ce qu’il prétend faire d’elles exactement ? —s’enquit-il.

Zaadma arqua un sourcil.

— Cela te préoccupe vraiment ?

Dashvara la regarda, la mine lasse. Il voulut répondre : Me préoccuper ? Pas du tout : je libérerai les Xalyas avant que cette ordure ne pose ses yeux sur elles. Il se contenta de dire :

— Je demandais juste comme ça, pour parler un peu.

— Oh ! Ne te sens pas obligé de parler avec moi. À vrai dire, j’ai déjà perdu assez de temps. Assouvir les curiosités ne donne pas à manger. Dors bien, Odek de Shalussi —le salua Zaadma avec une déférence moqueuse.

Dashvara la vit s’éloigner vers les feux et garda l’image troublante de ses beaux yeux noirs. Après avoir jeté un coup d’œil à la tente des prisonnières, il leva de nouveau le regard vers la Lune.

“Ne te hâte pas.”

Avant toutes choses, il devait apprendre à agir en pensant attentivement aux conséquences, comme le faisait le capitaine Zorvun. Une seule erreur pouvait non seulement entraîner sa mort, qui à dire vrai l’effrayait peu maintenant, mais elle pouvait aussi entraîner l’impunité des assassins. Il devait réfléchir posément, se répéta-t-il.

Dans son for intérieur, il désirait s’emparer de sabres et les utiliser dans ce campement jusqu’à la mort. Mais ceci était d’une stupidité barbare et, de plus, cela n’allait pas châtier les Akinoas et les Essiméens. Dashvara soupira.

C’est bon, père. Tu me demandes de me venger des chefs de clans. Bien. Mais qu’est-ce que leurs enfants ont à voir avec cela, hein ? Ne crois-tu pas que c’est…, comment dire, je ne sais pas, agir aussi bestialement que les sauvages ?

Le seigneur Vifkan était un homme du Dahars, Dashvara n’en doutait pas. Mais il était d’une autre génération et il n’avait pas toujours la même vision de l’honneur que son fils. De fait, il y avait beaucoup de choses sur lesquelles Dashvara n’avait jamais partagé le même avis.

— Ne pense pas à eux —murmura-t-il. Et il se raidit en se rendant compte qu’il avait parlé en oy’vat, la langue savante, l’idiome des Anciens Rois. Si les Shalussis le surprenaient à parler ainsi, il allait durer dans ce campement autant qu’une étincelle. Reprends-toi. Tu ne vas pas aller très loin si tu commences à perdre ta raison et ton sang froid, Dash.

Il dirigea ses pas vers la tente de Fayrah sans sabre ni arme et sans très bien savoir ce qu’il allait faire. Il y avait deux gardes devant la tente. Aucun bruit ne s’en échappait, comme si les prisonnières étaient bâillonnées, endormies ou… mortes. Mais cela n’avait pas de sens qu’ils les aient tuées s’ils les avaient emmenées pour essayer de les vendre, raisonna-t-il.

Un des gardes le toisa de la tête aux pieds.

— Que diables regardes-tu ? —s’enquit-il.

Dashvara le scruta, haussa les épaules sans s’altérer et demanda :

— Combien sont-elles ?

Les deux gardes échangèrent un coup d’œil.

— Et qu’est-ce que ça peut te faire ? —répliqua celui qui avait déjà parlé—. Tu es le prisonnier des Xalyas, pas vrai ? Toi, tu ne vas même pas recevoir un grain d’or. Tu n’as pas participé à l’assaut. C’est Nanda qui nous a envoyés prendre les filles et il n’y aura de récompense que pour ceux qui ont travaillé pour lui, c’est clair ?

C’est clair, espèce de porc ignorant.

Dashvara acquiesça en silence et, sans rien ajouter, il leur tourna le dos et s’éloigna. Il n’allait pas libérer Fayrah cette nuit. De toutes façons, il n’aurait pas pu la sauver sans sauver les autres. C’étaient aussi des Xalyas et il paria que certaines avaient même suivi les leçons de Maloven avec lui, étant enfants. Il n’allait pas les abandonner.

Il revint auprès de la carriole où il avait laissé le bol de riz. Celui-ci était froid maintenant, mais il l’avala tout aussi bien. Les noms des assassins défilaient dans sa tête. Lifdor et Nanda de Shalussi. Shiltapi d’Akinoa. Todakwa d’Essimée… Il ferma les yeux. Ils étaient quatre. Seulement quatre. Cela ne pouvait pas compenser, mais qu’importe, son père lui avait demandé de les tuer. Et il le ferait. Il ouvrit les yeux et vit la Lune froide de la nuit. Puis il baissa le regard sur ses mains et un sourire féroce étira ses lèvres.

Pour les Xalyas, pour mon père et ma famille, je jure que, moi, Dashvara de Xalya, je vous tuerai tous.